Lorsque l’on cherche à renforcer son immunité par des moyens naturels, il est normal de s’intéresser d’abord au contenu de son assiette, autrement dit, à son alimentation.
Mais qu’en est-il exactement ? Qu’ont pu mettre en évidence les études scientifiques s’intéressant aux liens entre système immunitaire et alimentation ?
Cet article fait suite à celui expliquant le fonctionnement du système immunitaire. Si ce n’est déjà fait, je vous invite donc à aller le lire afin de comprendre au mieux celui-ci et de pouvoir ainsi agir intelligemment pour votre santé.
De la dénutrition à l’obésité
Deux conditions nutritionnelles opposées ont été mises en lumière au printemps 2020.
Dénutrition et malnutrition d’un côté…
On a (malheureusement) l’habitude des images de famine et de faim dans certains pays. Cette dénutrition mène à une faiblesse immunitaire marquée des populations concernées, beaucoup plus sensibles à la moindre infection virale comme bactérienne. Ironiquement, cette immunosuppression les protège en revanche des maladies auto-immunes…
Plus proche de nous, l’hypo-nutrition des personnes âgées aggrave une immunité déjà altérée. Car les personnes âgées sont souvent mal nourries en raison de la pauvreté, de maladies mentales et/ou de la perte de dents.
Surtout, le manque de protéines et d’oligo-éléments chez ces personnes détermine un déficit immunitaire grave, qui peut être fatal.
Par exemple, le déficit en zinc chez les personnes âgées est très fréquent, mais la plupart du temps non diagnostiqué. Ce déficit entraîne un dysfonctionnement des lymphocytes T et une augmentation de la fréquence des infections respiratoires, dont celle du COVID-19.
Sur-nutrition de l’autre
A l’inverse, l’épidémie du COVID-19 a montré la plus grande fragilité des personnes obèses vis-à-vis d’agents pathogènes tels que les virus.
Ainsi, une étude française a montré que plus de 47 % des patients infectés entrant en réanimation sont en situation d’obésité. De plus, la sévérité de la maladie augmente avec l’IMC (indice de masse corporelle), et ce indépendamment de l’âge, d’une éventuelle hypertension artérielle ou de la présence d’un diabète.
En réalité, de nombreuses études avaient déjà montré que la suralimentation est associée à une inflammation chronique de bas grade. Celle-ci augmente certes le risque de maladies métaboliques et cardiovasculaires, mais favorise également l’auto-réactivité (menant aux maladies auto-immunes) et perturbe l’immunité protectrice.
Notons également que la sur-nutrition peut, paradoxalement, s’accompagner d’une mal-nutrition. C’est le cas lorsque l’alimentation est pauvre en aliments bruts et frais, et ne se compose que de produits transformés et industrialisés. Bref, lorsqu’elle n’apporte pas les vitamines, minéraux et autres micronutriments dont l’organisme a besoin.
De plus, le tissu adipeux n’est pas inerte : il libère de nombreuses hormones et adipocytokines. Ce sont des molécules signal, telles que le TNF-α ou la leptine, qui ont des fonctions de signalisation immunitaire importantes. Hormones et adipocytokines influencent ainsi la biologie des leucocytes et modifient la réponse immunitaire.
Dans ces deux cas extrêmes (dénutrition et obésité) :
- la malnutrition amoindrit fortement les capacités immunitaires de l’organisme. Celui-ci se retrouve alors sans défenses valables face aux agressions extérieures.
- l’alimentation n’apporte pas les constituants nécessaires au bon fonctionnement immunitaire et/ou en dérègle le bon fonctionnement.
Dès lors, existe-t-il des façons de s’alimenter qui améliorent les capacités immunitaires de l’organisme ?
Alimentation et système immunitaire : les différents régimes alimentaires qui ont fait leur preuve
Le régime méditerranéen
Une méta-analyse de douze études, incluant un total de plus d’un million et demi d’individus suivis pendant une période variant de 3 à 18 ans, a révélé une réduction nette et significative du risque de mortalité globale des personnes suivant un régime méditerranéen.
Chez ces personnes, il a été montré une incidence et une mortalité réduite du cancer et des maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson et d’Alzheimer).
D’autres études ont notamment mis en avant l’importance pour la régulation inflammatoire immunitaire du niveau élevé :
- des antioxydants contenus dans les fruits et légumes colorés,
- et des acides gras mono- et poly-insaturés présents dans le poisson, les noix et l’huile d’olive,
tous à la base du régime méditerranéen.
C’est donc l’ensemble des composantes qui caractérisent ce régime qui importent, et non l’un des facteurs pris isolément.
Le végétarisme en question
Plusieurs études ont été menées sur le végétarisme.
Et effectivement, d’un point de vue théorique, une alimentation riche en antioxydants, en fibres, en acides gras mono-insaturés et polyinsaturés, devrait notamment diminuer l’incidence et la mortalité des cancers.
Cependant, les preuves scientifiques restent à ce jour modérées.
En effet, le terme végétarisme embrasse en réalité des situations bien variées.
Par exemple, les végétaliens stricts excluent de leur alimentation tous les produits d’origine animale, y compris les œufs, les produits laitiers et le miel. Or, en l’absence de complémentation, ils subissent des carences en vitamine B12, en zinc, en fer et en acides gras polyinsaturés oméga-3, susceptibles de mener à de graves problèmes de santé.
De plus, le passage au végétarisme peut s’accompagner d’une consommation accrue et excessive de glucides, voire même de produits industriels et ultra-transformés estampillés « végétal » ou « vegan », perturbant de fait le métabolisme glucidique mais également l’immunité.
Malgré ces limites, quelques études ont observé une diminution significative mais modérée (-8%) de l’incidence du cancer. Même si aucune réduction n’a pu être mise en avant pour les cancers du sein, colorectal, de la prostate et du poumon, par rapport aux omnivores.
Ces résultats les plus récents ne peuvent pas être considérés comme définitifs, tant pour le nombre limité d’études et de sujets, que parce qu’ils ne prennent pas en compte la durée du régime végétarien ou végétalien, qui est sans aucun doute un élément important.
De plus, les individus définis comme omnivores comprennent également une grande variabilité dans le type, la fréquence et la quantité de viande consommée.
Par exemple, les gros mangeurs de viande rouge, et surtout de viande transformée (charcuteries notamment) ont un risque accru de développer un cancer colorectal, probablement parce qu’une consommation importante de viande a un effet pro-inflammatoire chronique sur l’organisme.
Ici donc, comme souvent, c’est bien la modération et l’équilibre alimentaire qui priment, en faisant le choix d’une alimentation à dominance végétale, brute et exempte de pesticides…
L’immunonutrition : les nutriments au service de votre immunité
Une immunité régulée et efficace est un savant équilibre entre :
- d’une part les processus inflammatoires, qui soutiennent une action anti-infectieuse,
- et d’autre part les processus anti-inflammatoires, qui évitent un emballement du système et protègent de l’oxydation. Mais en excès, ils favorisent une sensibilité accrue aux infections.
Il ne s’agit donc pas de favoriser l’un par rapport à l’autre. Mais bien de garantir un apport équilibré des micronutriments ayant un impact avéré sur la réponse immunitaire et sur sa régulation.
Les micronutriments au service de l’immunité
Les études menées sur l’homme montrent par exemple qu’un apport ou un statut adéquat en vitamines du groupe B (notamment B6, B9 et B12), en vitamines C et E, en sélénium, zinc, cuivre et fer soutiennent une production suffisante de cytokines pro-inflammatoires, contribuant ainsi à une réponse immunitaire efficace pour lutter contre les infections.
Au cours du processus immunitaire anti-infectieux, l’inflammation locale entraine la libération de radicaux libres, dangereux pour les cellules et tissus environnants.
Les nutriments antioxydants, tels que les vitamines C et E, le sélénium et le zinc participent alors au piégeage de ces radicaux libres, et aident ainsi à en éviter les effets néfastes.
La vitamine D, surtout connue pour son rôle régulateur dans l’homéostasie du calcium et donc la santé des os, participe également à la régulation du système immunitaire.
En fait, le fonctionnement des lymphocytes T est étroitement lié à cette vitamine puisque ce n’est qu’après la liaison au calcitriol (forme active de la vitamine D) que les cellules T peuvent remplir leurs fonctions physiologiques.
Dans le cadre du COVID-19, une étude rétrospective a montré qu’une carence en vitamine D augmentait le risque de décéder de la maladie.
sans oublier le microbiote…
Au-delà des vitamines et des minéraux, des études récentes ont montré que de nombreux autres composants alimentaires affectent la réponse immunitaire.
Il s’agit notamment des :
- probiotiques (micro-organismes vivants bénéfiques pour la santé),
- prébiotiques (fibres),
- acides gras,
- acides aminés
- et polyphénols.
Ces composants agissent sur diverses cellules immunitaires via souvent des effets sur le système immunitaire intestinal et, dans certains cas, le microbiote intestinal.
Là aussi, certains de ces composants améliorent les réponses immunitaires, conduisant à la défense du corps contre l’infection, tandis que d’autres inhibent les réponses immunitaires, supprimant ainsi les manifestations allergiques et inflammatoires.
L’alimentation régule le système immunitaire
Vous comprenez maintenant que selon votre situation personnelle, les conseils alimentaires peuvent varier.
Si vous souffrez d’une maladie auto-immune ou d’allergies chroniques et invalidantes, renforcer l’activité immunitaire est contre-productif et même dangereux. Il s’agira au contraire de favoriser des aliments et micronutriments aux propriétés anti-inflammatoires et régulatrices du système immunitaire.
Inversement, si vous êtes très souvent sujet aux infections ORL l’hiver, il pourra alors être intéressant de rechercher des aliments et nutriments capables de renforcer la réponse immunitaire.
Dans les deux cas, un statut adéquat en vitamine D et en zinc est fondamental pour assurer un fonctionnement immunitaire régulé et équilibré.
Et si vous ne souffrez d’aucune pathologie particulière, et que vous souhaitez que cela continue ainsi, une alimentation de type méditerranéenne reste toujours une bonne option !
Fonctionnement du système immunitaire : X
Alimentation et système immunitaire : X
A suivre, dans les prochains articles :
- l‘influence du stress sur le système immunitaire, et de la maladie sur le stress !
- l’importance du mouvement et du sommeil pour notre immunité
- et les plantes et les compléments alimentaires qui peuvent aider…
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Références :
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