Sommeil

La sieste, c’est pas automatique ! Dossier complet – Comprendre son sommeil (partie 3/5)

Des millions de personnes dans le monde pratiquent la sieste en journée. Par habitude, par ennui, pour rattraper un sommeil insuffisant ou suite à une longue période de travail, les raisons sont nombreuses et variées, et dépendent évidemment de l’âge des personnes interrogées.

La sieste jouit généralement d’une bonne image pour la santé. D’ailleurs, les avantages cognitifs d’une sieste de mi-journée sont devenus plus évidents et documentés ces dernières années.

Pourtant, tout n’est pas rose au pays de la sieste. Il existe en effet une multitude d’études qui mettent en relation les siestes fréquentes et des problématiques de santé, en particulier chez les populations plus âgées.

Explorons cela un peu, et essayons donc de déterminer quand, comment et pour qui la sieste s’avère bénéfique.

 

La sieste à travers les âges…

Nous ne tiendrons ici pas compte des jeunes enfants pour qui la sieste est physiologique et normale (même si les besoins sont très variables d’un enfant à l’autre).

Les siestes des jeunes adultes sont moins fréquentes, notamment en fonction des attentes culturelles, du lieu géographique et de la situation professionnelle.

Avec l’avancée en âge, en particulier à la retraite, les siestes redeviennent plus fréquentes, soit en raison des changements de sommeil et de rythme circadien liés à l’âge, soit en raison de changements psychosociaux ou psychologiques (par exemple, plus de temps libre, plus grande incidence de la dépression).

 

 

La sieste apporte des bénéfices réels pour la santé

Amélioration des fonctions cognitives

sieste et cognitionAprès un manque de sommeil ou même une nuit de sommeil normale, la pression de sommeil (somnolence) augmente avec le temps passé éveillé, tandis que les capacités cognitives, comme la mémoire de travail, diminuent.

Cependant, il a été démontré qu’une sieste en milieu de journée aide efficacement à la récupération de ces facultés en minimisant la pression homéostatique du sommeil.

Mieux, la sieste facilite également les capacités fonctionnelles et exécutives (par exemple la mémoire de travail).

Ainsi, pendant l’éveil, on acquiert en continu des informations sensorielles, des faits et des compétences procédurales. Après l’acquisition, certaines informations nécessitent d’être conservées en permanence tandis que d’autres sont écartées pour améliorer la capacité d’information ultérieure.

La sieste facilite ce processus de deux façons :

  • en consolidant l’information acquise antérieurement dans un stockage à long terme (c’est-à-dire en la consolidant),
  • et en améliorant la capacité d’apprentissage ultérieure.

De la même façon, le sommeil favorise l’encodage neuronal ultérieur (c’est-à-dire l’apprentissage et la mémorisation).

Sieste et émotions

Il existe une relation bidirectionnelle entre le sommeil et l’émotion. Un sommeil de mauvaise qualité est à la fois une cause et une conséquence d’une mauvaise santé mentale.

Récemment, plusieurs enquêtes ont montré que les siestes de mi-journée ont un impact clair sur le traitement des émotions chez les enfants. Évidemment, tout parent l’avait déjà nettement remarqué…

Chez l’adulte, une sieste en milieu de journée peut également avoir un impact sur la perception émotionnelle.

En l’absence de sommeil, la présentation répétée des mêmes stimuli émotionnels induit une accoutumance émotionnelle. C’est-à-dire que la perception que l’on a des stimuli devient plus neutre (les stimuli sont perçus moins négatifs) à chaque présentation ultérieure.

Cependant, une sieste entre les présentations préserve la valence émotionnelle des stimuli négatifs (les stimuli initialement perçus comme négatifs restent négatifs). Ainsi, soit le sommeil perturbe l’habituation émotionnelle, soit le sommeil favorise activement la préservation de la valence émotionnelle, et donc notre capacité à nous émouvoir…

Chez les athlètes en bonne santé, la sieste améliore les performances musculaires et sportives, l’humeur et la récupération, tout en diminuant la perception de l’effort.

Bref, la sieste améliore les capacités cognitives, émotionnelles et physiques.

La recommander pour tous semblerait donc pertinent. Mais des données plus récentes montrent que ce n’est pas si simple…

 

La sieste est aussi associée à des problèmes de santé !

… Car les siestes fréquentes et habituelles ont été liées à un certain nombre de résultats négatifs sur le long terme, notamment un risque accru :

  • d’hypertension,
  • de maladies microvasculaires,
  • de dépression,
  • de diabète,
  • d’ostéoporose,
  • de limitations fonctionnelles,
  • de déclin cognitif
  • et globalement à une morbidité médicale générale et une mortalité accrue !

Ces associations inattendues ont principalement ont été identifiés chez les personnes âgées mais existent également chez les personnes d’âge moyen et les jeunes adultes.

Des mécanismes qui restent à élucider

Les études sont en cours pour tenter d’en expliquer les mécanismes sous-jacents, et des hypothèses ont été proposées.

Il s’agit notamment d’identifier les relations de causalité et de déterminer si le besoin de sieste est une conséquence des pathologies ou l’une des causes…

Plusieurs études ont tenté de démêler cette relation.

Sieste et maladies cardiovasculaires

sieste et cardiovasculaireAinsi, dans les cas des maladies cardiovasculaires, il semblerait que cette association ne soit pas due à un excès de sommeil, mais à un accroissement du nombre de réveils.

En effet, au réveil du matin, on observe une augmentation de la pression artérielle, du rythme cardiaque et de l’agrégation plaquettaire (mécanisme intervenant lors de la coagulation) en lien avec une réactivation du système nerveux sympathique.

Il s’en suit du stress vasculaire et une augmentation de la demande en oxygène du muscle cardiaque, mais aussi de l’incidence des accidents cardiovasculaires.

Pratiquer la sieste fréquemment, et notamment tous les jours, multiplie donc par 2 l’occasion de se réveiller et le risque de survenue de ces évènements péjoratifs…

Du déclin cognitif à la sieste

Le lien entre le déclin cognitif et la sieste semble lui inversé. En d’autres termes, la sieste semble plutôt être un sous-produit de facteurs connexes de la dégradation neuronale.

Par exemple, les changements d’intégrité cérébrale liés à l’âge conduisent à la somnolence, qui induit alors la sieste.

Les lésions cérébrales et les enchevêtrements neurofibrillaires liés au déclin cognitif, en particulier dans le tronc cérébral, altère l’activité cholinergique qui est nécessaire au bon entretien du sommeil et de l’éveil.

Par conséquent, la réduction de l’intégrité et du fonctionnement du cerveau peut augmenter la propension au sommeil et, par conséquent, augmenter les siestes de jour.

Sommeil nocturne et sieste

Les siestes fréquentes peuvent n’être également que le reflet d’un mauvais sommeil nocturne, dont les conséquences négatives sont bien connues.

Malheureusement, les études associant sieste et sommeil nocturne ne prennent pour l’instant en compte que la durée totale du sommeil. Elles ne considèrent donc pas des modifications potentielles de l’architecture du sommeil nocturne (qualité et présence des différentes phases) par la sieste.

Or la qualité d’une nuit complète de sommeil peu profond diffère nettement d’une nuit avec sommeil profond. Il reste donc la possibilité qu’un mauvais sommeil nocturne puisse être un facteur causal entre la sieste et la maladie.

Autrement dit, pratiquer quotidiennement une sieste pourrait modifier l’architecture du sommeil nocturne qui deviendrait alors moins qualitatif, favorisant ainsi diverses pathologies.

Sieste de récupération ou sieste habituelle ?

Enfin, la majorité des études ne prennent pas en compte les types de sieste et leur fréquence. Est-ce une sieste de récupération ponctuelle suite à une privation de sommeil, ou une sieste quotidienne par habitude ?

Car c’est à ce niveau que les conséquences semblent différer, les siestes de récupération ayant clairement des effets bénéfiques pour la santé.

 

Une sieste courte et circonstanciée

sieste courtePlutôt que de voir la sieste comme un bienfait systématique, il me semble donc bien plus pertinent de s’interroger sur le pourquoi de la sieste, et qui la pratique.

Dans le cas d’un adulte en bonne santé, et dans le cadre d’une vie physiquement, mentalement et/ou émotionnellement active, la sieste à mi-journée est clairement bénéfique, sauf si la personne est particulièrement sensible au balancier homéostatique (voir le 1er article de ce dossier sur la physiologie du sommeil).

Car dans tous les cas, la sieste réduit nettement la pression du sommeil le soir lié au processus homéostatique.

C’est aussi la raison pour laquelle l’insomnie est une contre-indication à la pratique de la sieste !

Et c’est a priori contre-intuitif ! Car les personnes souffrant d’insomnie chronique pensent que tout sommeil est bon à prendre…

Or, la sieste, surtout tardive, surtout longue (> 30 min), retarde l’endormissement, augmente la part du sommeil léger et amplifie encore plus l’insomnie la nuit suivante, dans un cercle vicieux délétère.

 

En conclusion

La sieste est donc un outil promoteur de santé puissant, lorsqu’elle est utilisée à bon escient.

C’est-à-dire en récupération ponctuelle d’un sommeil insuffisant ou en prévention d’un sommeil décalé (travailleurs postés par exemple, pour qui la place de la sieste (durée et horaire) est à étudier au cas par cas), et qu’elle reste courte (moins de 20 min).

Mais elle devient préjudiciable lorsqu’elle se prolonge trop ou qu’elle est trop tardive (somnolence après réveil et modification probable de l’architecture du sommeil la nuit suivante), et en cas d’insomnie ou de certaines pathologies (cardiovasculaires semble-t-il).

Évidemment, des différences et des tolérances interindividuelles existent.

A chacun donc de connaitre son sommeil (chronotype, cours ou long dormeur…) et de tester les effets de la sieste sur ses éveils et ses nuits suivantes.

Enfin, on est encore loin de tout connaitre des mécanismes physiologiques liés au sommeil et à la sieste…

 

Références :

 

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