« Évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé ». Si cette rengaine est bien connue, c’est parce qu’elle nous est rappelée quotidiennement, à grand renfort de publicité. Certes, le sucre et le sel sont indéniablement des éléments délétères dans notre alimentation moderne. En revanche, manger moins gras a mené… à l’épidémie de surpoids et d’obésité ! Alors, faut-il manger gras ?
Si on a longtemps conseillé d’éviter les graisses dans l’alimentation, c’est parce que l’on confondait (et l’on confond encore ?) les graisses alimentaires et les graisses corporelles. En effet, beaucoup croient encore que tout matière grasse consommée est immédiatement stockée dans notre tissu adipeux (en particulier sur les hanches !).
Et pourtant, le gras est indispensable à notre corps. Sans graisse dans l’alimentation, et c’est tout la machinerie qui grippe ! Allez, j’ose : le gras, c’est la vie ! Les matières grasses, les huiles en tête, sont indispensables à notre santé. Voici pourquoi.
La diabolisation du gras…
…n’est pas récente. Elle date en fait de 1953, avec la publication d’une étude qui fit date, celle du Dr Ancel Keys. Cette publication semblait montrer que le nombre de décès chez les hommes américains dus à une « maladie dégénérative du cœur » augmentait parallèlement avec le pourcentage de graisse dans le régime alimentaire. Cette étude, en réalité biaisée et tronquée, on le sait depuis, servit de base aux recommandations officielles de la seconde moitié du 20ème siècle.
Ces recommandations alimentaires préconisaient d’augmenter largement la part des glucides (les céréales et autres féculents) au dépend des lipides (le gras) dans la ration alimentaire quotidienne…. Autrement dit, mangez autant de pâtes, pain, pomme de terre et riz (même complet !) que vous voulez, mais surtout n’y mettez aucune graisse ! Et l’épidémie d’obésité et de diabète explosa !
Soit dit en passant, c’est encore le discours actuel du Programme National Nutrition Santé (PNNS) français !
Manger gras est indispensable à notre santé
Les types de lipides présents dans l’organisme sont nombreux, et il ne s’agit pas de faire un cours de biochimie ici. Cependant, pour vous montrer l’importance de manger suffisamment gras, je rappelle quelques uns de leurs rôles indispensables à notre santé.
Les lipides sont les constituants principaux de la membrane de nos cellules
La membrane de nos milliards de cellules présente une constitution particulière, adaptée à ses rôles. Cette membrane, que l’on compare traditionnellement à une mosaïque fluide, correspond à une mer de lipides constamment en mouvement. Ce sont eux qui assurent une propriété fondamentale de la membrane : sa fluidité !
La fluidité de la membrane lui permet d’interagir avec son environnement. Ainsi, la cellule communique, échange, libère et intègre quantité de molécules grâce à la structure particulière de sa membrane.
Cette fluidité lipidique lui assure également une certaine sécurité : elle peut se reformer lorsqu’elle est déchirée ou percée.
Cependant, une membrane trop liquide ne possèderait pas l’organisation structurale ni le soutien mécanique dont la cellule a besoin. C’est le cholestérol, un lipide lui aussi, qui rend la membrane moins fluide et plus résistante à la température normale du corps.
Les lipides assurent protection, isolation et stockage de l’énergie
Les graisses servent de réserve d’énergie à moyen et long terme.
Le corps est ainsi capable de les utiliser rapidement pour produire de l’énergie, via un processus appelé béta-oxydation.
Les graisses non utilisées rapidement sont elles transformées en triglycérides par le foie puis stockées dans le tissu adipeux. Ce sont nos réserves d’énergie à long terme… indispensables pendant la grossesse et l’allaitement par exemple.
Les lipides permettent de fabriquer des hormones
Certains lipides, les stéroïdes (comme le cholestérol), sont les précurseurs d’hormones :
- sexuelles et jouent donc sur la fertilité et la libido
- et surrénaliennes, indispensables à la régulation du métabolisme, à la résistance au stress et aux équilibres hydrique et ionique du corps.
Un régime très pauvre en graisse, comme ce fût longtemps la mode, réduit donc très fortement la fertilité et la libido et de nombreuses fonctions liées à ces hormones. On observe alors :
- des altérations de la régulation de la tension artérielle,
- de la santé de la peau et des os,
- de la réponse au stress,
- de l’absorption des vitamines liposolubles comme la vitamine D…
On comprend donc qu’une carence en « bonnes » graisses puissent favoriser certaines pathologies comme l’ostéoporose. (Pour savoir ce qu’est une bonne graisse, lire la suite !)
Et de nombreuses autres fonctions importantes
D’autres lipides, comme les prostaglandines et les leucotriènes, agissent sur la coagulation , l’inflammation ou l’immunité…
Bref, ils sont partout et indispensables à la vie !
Manger gras ou manger sucré ?
Manger sucré augmente la quantité de triglycérides libres dans le sang et de leurs transporteurs. Cette situation peut paraitre paradoxale, mais il ne faut pas oublier que c’est l’insuline l’hormone clé dans cette histoire. Or, l’insuline est une hormone de stockage. Manger sucré (sucre ajouté, mais aussi féculents en général) entraine la sécrétion d’insuline par le pancréas. L’insuline favorise alors l’utilisation du glucose présent en grande quantité dans le sang par les cellules… et bloque ainsi l’utilisation des lipides. De plus, l’excès de glucose est alors stocké et cela se ressent sur la balance ! Tandis que le sang lui devient plus « gras »…
C’est donc bien l’excès de produits sucrés de toute sorte qui favorise d’abord les maladies cardiovasculaires… et la prise de poids. La vraie cible, lorsque l’on cherche à maigrir ou à réguler sa prise de poids, ce sont donc les produits faisant varier la glycémie, autrement dit les produits sucrés et céréaliers.
Mais il y a gras… et gras !
Toutes les matières grasses ne se valent pas. Tout dépend de leur structure chimique…
Pour faire simple, les triglycérides (que l’on trouve dans les graisses et les huiles) se composent de 2 types de molécules :
- un glycérol
- et 3 molécules d’acides gras.
Ce sont ces dernières qui nous intéressent en 1er chef lorsque l’on s’intéresse à la santé.
Ces acides gras peuvent être de différentes tailles (longue, moyenne ou courte) et plus ou moins saturés. Une molécule saturée porte le maximum d’atomes d’hydrogène possible, tandis qu’une molécule insaturée présente quelques « places libres » dans sa structure. Plus un acide gras est saturé, plus il est stable chimiquement, et inversement.
Les acides gras polyinsaturés omégas 3 et 6
Le corps humain est capable de produire lui-même nombre de ces acides gras, mais pas tous. Il doit donc en trouver certains dans la nourriture : ce sont les acides gras essentiels, dont les fameux omégas 3 et omégas 6.
Les omégas 3 et 6 appartiennent à la famille des acides gras polyinsaturés. Ils agissent ensemble pour maintenir l’organisme en bonne santé, via notamment la régulation :
- des taux des protéines transportant le cholestérol (les fameux LDL et HDL),
- de l’inflammation,
- de la perte osseuse et de l’utilisation du calcium,
- et du bon fonctionnement cérébral (et notamment la régulation de l’humeur et des dépressions légères !).
Pour que ces régulations se fassent bien, c’est le rapport entre omégas 6 et 3 qui est à surveiller. On recommande généralement un rapport de 4 omégas 6 pour 1 oméga 3.
Or, dans une alimentation occidentale classique, les omégas 6 sont très souvent largement excédentaires, car bien moins chers. On les trouve notamment dans l’huile de tournesol et de maïs et de nombreux aliments transformés. Au contraire, les omégas 3 sont très souvent déficitaires. Les omégas 3 se trouvent notamment dans les huiles de lin, de colza et de cameline, ainsi que dans les petits poissons gras type sardines, maquereaux et anchois. On les trouve également dans les gros poissons type saumon et thon, mais ces derniers sont malheureusement particulièrement contaminés au métaux lourds.
Ce déséquilibre omégas 6 / omégas 3, qui peut aller jusqu’à 20 ou 30 pour 1, favorise alors l’inflammation chronique de l’organisme, et finalement augmente le risque des maladies cardiovasculaires.
Les acides gras monoinsaturés omégas 9
Les omégas 9 sont les acides gras principaux de l’huile d’olive. Ils ne sont pas essentiels, car le corps est capable des les fabriquer. De plus, ils sont bien présents dans l’alimentation et nous n’en manquons généralement pas.
Il n’en reste pas mois que l’huile d’olive constitue la base du fameux régime méditerranéen, et que ce régime a largement fait la preuve de son intérêt dans la prévention des maladies cardiovasculaires… Notamment car les fruits et légumes et les poissons y occupent une place de choix !
Les acides gras saturés
Les graisses saturées, particulièrement diabolisées quant à leur rôle supposé dans les maladies cardiovasculaires, semblent réhabilitées aujourd’hui. Les études épidémiologiques à grande échelle n’ont en effet pas trouvé de lien entre la consommation de matière grasse saturée et un risque accru de maladie de cœur ou d’AVC.
Leurs rôles pour la santé sont également nombreux. Les graisses saturées assurent notamment un grand nombre de fonctions importantes, tant pour le fonctionnement du cœur que pour celui des poumons, du foie ou des os. Elles participent également au sentiment de satiété.
Les acides gras trans
Les seules graisses réellement délétères se révèlent finalement être les graisses « trans ». Ces graisses sont inconnues dans la nature, où tous les acides gras sont de forme « cis ».
Mais quand les acides gras sont chauffés, mis sous pression et combinés avec un catalyseur (du nickel très souvent) au cours d’une réaction appelée hydrogénation, ils se transforment en acides gras trans néfastes à la santé.
Les processus industriels utilisent l’hydrogénation pour que les huiles végétales soient solides à température ambiante et qu’elles deviennent rances moins rapidement. On rencontre des acides gras trans ou hydrogénés dans :
- les produits de boulangerie,
- nombres de plats industriels,
- certaines margarines
- et les aliments cuits dans un bain de friture.
Parmi leurs effets avérés, l’augmentation du risque de cardiopathie et d’autres maladies cardiovasculaires est clairement le plus préoccupant.
Sur les étiquettes, les mentions « hydrogéné » ou « partiellement hydrogéné » sont donc à éviter…
Huiles vierges et de qualité biologique
Les huiles sont des corps gras. Or, les polluants tels que les pesticides et autres toxiques aiment le gras. On les dit lipophiles. Ils s’y concentrent. Dans ces conditions, on comprendra l’importance de choisir ses matières grasses de qualité biologique.
Par ailleurs, les acides gras sont sensibles à la chaleur. Leur structure se modifie, et devient délétère pour la santé au-delà de plus ou moins 110° (cela dépend de l’huile considérée). Pour contrer ce problème, les industriels les raffinent pour les rendre plus stables à haute température. Mais là où le bât blesse, c’est que ce raffinage fait intervenir nombre d’opérations : extraction par solvant, purification, désacidification, décoloration, désodorisation… Alors, certes, ces huiles peuvent être chauffées à 200°C, mais est-ce encore des huiles ?
Pour éviter le raffinage industriel, il est donc essentiel de choisir des huiles dites vierges, de première pression à froid. Les huiles y sont alors produites directement par broyage des graines ou des fruits, sans dépasser les 40°C.
En pratique
- A éviter : les graisses trans des produits de boulangerie et des produits industriels.
- A limiter : les matières grasses laitières (crème fraiche et fromage : pas plus d’une fois par jour) et celles issues des viandes industrielles (rechercher plutôt les viandes élevées à l’herbe ou de la filière bleu blanc cœur.
- A consommer avec modération, mais qui doivent être présents quotidiennement : les graisses saturées (beurre, huile de coco ou de palmiste). Elles sont aussi intéressantes pour la cuisson car peu oxydables et donc stables à la chaleur.
- A privilégier : les graisses insaturés omégas 9 (huile d’olive et avocat) et omégas 3 et 6. On cherchera à augmenter sa consommation d’omégas 3 (huile de colza, de lin, de cameline et petits poissons gras) et à modérer celle d’omégas 6 (huiles de tournesol, de maïs et de soja). Je rappelle également que les huiles riches en omégas 3 ne doivent pas être chauffées. Ces acides gras polyinsaturés sont en effet sensibles à la chaleur.
Ainsi, le site LaNutrition, qui s’appuie sur des données scientifiques solides, recommande la consommation quotidienne :
- pour les femmes : une cuillère à soupe d’huile d’olive, une d’huile de colza et une d’huile de coco ou 12 g de beurre.
- pour les hommes : 1,5 cuillère à soupe de chaque, l’huile de coco pouvant être remplacé par 15 g de beurre.
Vous l’aurez donc compris, il ne s’agit pas tant de traquer le gras à tout prix mais de choisir des apports lipidiques de qualité. C’est votre corps, et votre cœur, qui vous diront merci !
Pour aller plus loin dans l’alimentation santé, n’hésitez pas à télécharger gratuitement le kit complet que je mets à votre disposition, ci-dessous ou sur la page d’accueil de ce site…
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Sources :
- Principes d’anatomie et de physiologie, Tortora et Derrickson, de Boeck éditions. 2007.
- Keys. 1953. Prediction and possible prevention of coronary disease. American Journal of Public Health and the Nation’s Health. 43 :1399-1407.
- V. Mann. 1959. Diet and coronary heart disease. AMA Arch. Intern. Med. 104 :921-929.
- Jain A.P. et al. 2015. Omega-3 fatty acids and cardiovascular disease. Eur. Rev. Med. Pharmacol. Sci. 19(3):441-5.
- Esmaeili V. et al. 2015. Dietary fatty acids affect semen quality : a review. Andrology. 3(3):450-61.
- Fritsche K.L. 2015. The science of fatty acids and inflammation. Adv. Nutr. 6(3):293S-301S.
- Nestel P. 2014. Trans fatty acids: are its cardiovascular risks fully appreciated? Clin. Ther. 36(3):315-21.