Lorsque l’on fait des recherches sur internet à propos du soja, il est possible de lire tout et son contraire. Certains articles l’accusent de tous les maux, depuis la « féminisation » des petits garçons à cause des phyto-œstrogènes qu’il contient jusqu’à « désancrer » ceux qui en consomment (et à condition de comprendre ce que cela veut dire !). Au contraire, d’autres textes le parent de mille et une vertus, mais jamais sans en préciser les sources ou les protocoles et études qui permettent de conclure ainsi…
Bref, dans ce brouhaha ambiant, il est bien difficile de se faire une opinion entre les partisans du pour et ceux du contre… Mais doit-on être pour ou contre un aliment ? Toute raison gardée, ne peut-on pas simplement discuter de l’intérêt ou non de la consommation de soja ?
Loin de tout sensationnalisme, attachons nous donc plutôt à préciser les avantages et inconvénients liés à sa consommation. Pour ce faire, je m’appuie sur des synthèses scientifiques récentes et indépendantes (des lobbys du soja ou des produits laitiers par exemple…).
Le soja est une légumineuse largement consommée… en Asie
Rappelons que le soja en question est le soja jaune (Glycine max). Il ne s’agit donc nullement des « pousses de soja » improprement nommées qui ne sont que des pousses de haricot mungo ou soja vert (Phaseolus mungo). Le soja est une légumineuse au même titre que les haricots, lentilles, fèves, pois-chiches et pois cassés pour ne citer que les plus connus.
Composition nutritionnelle du soja
Comme toute légumineuse, le soja en présente globalement les mêmes intérêts nutritionnels :
- excellente source de protéine, complète qui plus est (contrairement aux autres légumineuses). C’est donc une source de protéines intéressante pour les végétariens et végétaliens.
- richesse en minéraux dont le sélénium (0.050 mg en moyenne pour 100 g de soja), le phosphore (43 mg), le magnésium (16 mg), le calcium (16 mg) et le fer (0.44 mg).
- richesse en vitamines du groupe B, et en particulier en B9 (à l’exception de la B12), et en vitamine K.
- présence des graisses de bonne qualité (acides monoinsaturés et polyinsaturés), dépourvu de cholestérol.
- et richesse en prébiotiques (glucides nécessaires à la croissance des bonnes bactéries de notre système digestif).
Digestibilité du soja
Le soja est consommé en Asie depuis plus de 9000 ans. L’utilisation du tofou (non fermenté) est déjà signalée dès 1665 en Extrême-Orient. Il est désigné dès 1993 par la FAO comme une source de protéines ayant une digestibilité réelle élevée.
En effet, la cuisson (mais qui songerait à consommer des graines de soja crues ?) élimine les phytates et les inhibiteurs de trypsine qui sont souvent montés en épingle par les adversaires du soja. Rappelons simplement que tous les végétaux contiennent des inhibiteurs trypsiques. Et que les protéases humaines (enzymes de digestion des protéines) y sont peu sensibles ! Le soja cuit ne présente donc aucun problème de digestibilité (à l’exception évidemment des personnes qui y seraient allergiques) !
Le trempage des légumineuses avant cuisson et l’adjonction de bicarbonate de sodium alimentaire et/ou d’aromates à l’eau de cuisson en limitent largement l’inconvénient majeur : les éventuelles flatulences…
Les bienfaits du soja sur la santé
Outre les vitamines et minéraux, le soja renferme également de nombreuses substances bioactives. Autrement dit, des substances qui agissent sur la biologie humaine, et qui expliquent donc largement ses effets positifs sur la santé : substances antioxydantes, anti-inflammatoires et anti-cancer principalement. Certaines de ces substances sont les isoflavones (génistéine et daidzéine principalement), parfois improprement appelées phyto-œstrogènes.
Le soja protecteur d’une multitude de pathologies
La grande quantité et la variété des ces composés expliquent notamment la grande variabilité de symptômes et de pathologies améliorées. Les synthèses scientifiques les plus récentes montrent en effet que le soja est un protecteur de plusieurs cancers. On retrouve notamment des effets intéressants vis à vis des cancers colorectal et pancréatique, mais aussi des cancers hormonodépendants. La protection apportée est fonction de la dose et de la forme administrée.
Il est intéressant dans les régimes antidiabétiques, protège de la stéatose hépatique et prévient l’ostéoporose post-ménopausique chez les femmes, d’autant plus lorsqu’il est associé à la complémentation en vitamine D. Les études montrent en effet clairement que les isoflavones du soja augmentent significativement la densité minérale osseuse, comparativement à des groupes témoins. Il améliore également la qualité de vie des femmes lors de la ménopause, en diminuant notamment les bouffées de chaleur.
Le soja prévient également les pathologies cardiovasculaires, en améliorant notamment le profil lipidique sanguin des consommateurs.
Récemment, les propriétés antioxydantes des isoflavones, génistéine en tête, ont montré des résultats intéressants dans la prévention des plaques bêta-amiloïdes, l’un des facteurs de la maladie d’Alzheimer.
Plus anecdotique, la dermatologie et la cosmétologie utilisent de plus en plus le soja pour ses effets antioxydants, stimulateurs du collagène et protecteurs contre les rayons UV.
Mais des mécanismes encore peu connus !
Bref, la multiplicité des substances bioactives du soja lui confère clairement un intérêt dans nombre de pathologies chroniques et cancéreuses. Il est cependant à noter que l’on est encore loin de connaitre les mécanismes qui permettent d’expliquer tous ces bienfaits…
Et les peurs qui demeurent
Phyto-œstrogènes et troubles sexuels ?
Ce qui inquiète le plus lorsque l’on parle du soja, ce sont ces fameux « phyto-œstrogènes ». Or, toutes les études qui concluent à des effets négatifs sur la croissance et le développement fœtal et de l’enfant ont été menées :
- in vitro ou sur des rats et souris,
- et surtout avec des doses administrées massives. Doses qui ne correspondent en rien à ce qui peut être consommé par une alimentation, même riche en soja, ou apporté par des compléments alimentaires.
Rappelons que l’on estime à environ 25 à 60 mg/j la consommation journalière d’isoflavones (génistéine, daidzéine et glycitéine) dans les pays asiatiques (sans effets négatifs rapportés, au contraire !), et à environ 2 mg/j en occident. Autant dire que l’on a de la marge…
Une étude publiée en 2015 s’est ainsi attachée à comparer les volumes et caractéristiques structurelles des organes reproducteurs chez des enfants de 5 ans, filles et garçons, selon qu’ils avaient été nourris au lait maternel, avec des préparations infantiles à base de lait de vache ou à base de soja. Que ce soit pour les filles ou pour les garçons, à 5 ans, aucune différence n’a pu être mise en évidence entre les différents groupes. L’étude continue et ces enfants seront également suivis lors de leur puberté. Plus récemment, une synthèse publiée en 2017 portait sur l’impact pour la santé de la consommation de soja pendant l’enfance et l’adolescence. Elle conclue à l’intérêt de telle consommation, avec notamment un risque bien moindre de développer un cancer du sein lorsque le soja est consommé dès l’enfance.
Hypothyroïdie
La seule mise en garde réelle concerne ses effets légèrement hypothyroïdiens. Les femmes en hypothyroïdie et qui suivent un régime alimentaire pauvre en iode (végan notamment) éviteront donc d’en consommer en grande quantité.
Bref, le soja est un aliment tout à fait sain, à consommer dans le cadre d’une alimentation saine et variée et d’une hygiène de vie adéquate. Comme pour tout autre aliment, on évitera de ne consommer que lui. Mais il n’est nullement justifier, d’un point de vue scientifique du moins, de s’en priver…
Merci d’être arrivé au bout de cet article qui je l’espère vous aura intéressé. Si je n’ai pas répondu à toutes vos questions quant à ce fameux soja, n’hésitez pas à les poser en commentaire. J’y répondrai directement ou j’en ferai un prochain article !
Et n’hésitez pas à partager bien sûr !
Sources :
- Andres et al. 2015. Compared with Feeding Infants Breast Milk or Cow-Milk Formula, Soy Formula Feeding Does Not Affect Subsequent Reproductive Organ Size at 5 Years of Age. The Journal of Nutrition, 145:871-875.
- Chatterjee C. et al. 2018. Soybean bioactive peptides and their functional properties. Nutrients. 10(9):1211.
- Devi K.P. et al. 2017. Molecular and therapeutic targets of genistein in Alzheimer’s disease. Mol. Neurobiol. 54(9):7028-7041.
- Getek et al. 2015. The Active Role of Leguminous Plant Components in Type 2 Diabetes. Evidence-Base Complementary and Alternative Medicine, 2015:12 pp.
- Messina M. et al. 2017. Health impact of childhood and adolescent soy consumption. Nutrition Reviews, 75(7):500–515.
- Oliveira et al. 2012. Possible Molecular Mechanisms Soy-mediated in Preventing and Treating Non-alcoholic Fatty Liver Disease. Nutricion Hospitalaria. 27:991-998.
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- Spagnuolo et al. 2015. Genistein and Cancer: Current Status, Challenges, and Future Directions. Advances in Nutrition, 6:408-419.
- Uifalen et al. 2016. Soy Isoflavones and Breast Cancer Cell Lines: Molecular Mechanisms and Future Perspectives. Molecules, 21,13, 17 pp.
- Waqas et al. 2015. Dermatological and Cosmeceutical Benefits of Glycine Max (Soybean) and its Active Components. Acta Polonic Pharmaceutica – Drug Research, 72:3-11.
- Wei et al. 2012. Systematic review of soy isoflavone supplements on osteoporosis in women. Asian Pacific Journal of Tropical Medicine, 243-248.
- Zaheer K. & Humayoun A.M. 2017. An updated review of dietary isoflavones: nutrition, processing, bioavailability and impacts on human health. Crit. Rev. Food Sci. Nutr. 57(6):1280-1293.