C’est assez récemment, en janvier 2017, que l’ANSES (l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire), autrement dit l’organe officiel Français de référence en matière de sécurité sanitaire et de nutrition, a publié de nouvelles recommandations afin de mettre à jour les repères de consommation du PNNS (Programme National Nutrition Santé). Remarquez qu’il était temps, car ces « repères » dataient de plus de 10 ans. Et beaucoup d’entre eux ne correspondaient plus, voire contredisaient les connaissances scientifiques actuelles en matière d’alimentation et de santé publique…
Ces recommandations actualisées vont globalement dans le bon sens :
- augmentation de la consommation des « bonnes » graisses
- parallèlement à la limitation des glucides,
- et référence – c’est une première ! – à l’indice glycémique de ces mêmes glucides.
On y trouve également, et pour la première fois de manière officielle en France, la reconnaissance d’absence d’effet favorable à la consommation de produits laitiers sur les risques de fractures. Autrement dit, l’ANSES considère officiellement l’existence de données remettant en question les bénéfices des produits laitiers…
Et c’est sur ce point que j’aimerais revenir. Car cela fait maintenant plusieurs années que les études scientifiques indépendantes des lobbys laitiers pointent toutes dans la même direction :
Non, le lait n’est pas indispensable à la bonne santé de nos os (entre autres) !
Petite précision mais néanmoins nécessaire : je ne traite pas ici des aspects environnementaux et éthiques liés à la consommation de produits animaux. C’est à chacun de faire ses propres choix en toute connaissance de cause. Je m’efforce seulement de répondre de manière objective à une question qui m’est souvent posée en cabinet : les produits laitiers sont-ils bons ou mauvais pour la santé ? Autrement dit, faut-il ou non manger des produits laitiers ?
Les produits laitiers ne sont pas blancs comme neige !
Quid du calcium ?
Dès 2002, l’Organisation Mondiale de la Santé reconnait un « paradoxe du calcium ».
C’est en effet dans les pays où la consommation de produits laitiers est la plus élevée que l’on observe le plus de fractures du col du fémur. Il s’agit essentiellement des pays scandinaves. A l’inverse, les pays, principalement d’Afrique et d’Asie, qui en consomment le moins affichent une santé osseuse parfaite… Bien sûr, je vous vois venir, ces études ont aussi pris en compte la différence d’ensoleillement et donc des taux de vitamine D !
En réalité, il n’existe aucune étude scientifique indépendante qui ait réussi à démontrer que la consommation de produits laitiers nous protègerait des risques de fractures. Ceci est vrai y compris chez les femmes ménopausées, et y compris chez celles qui en ont consommé en quantité pendant l’enfance et l’adolescence.
En fait, il est même maintenant démontré qu’une surconsommation de protéines animales, dont font partie les laits animaux, participe à l’acidification de l’organisme. Celui-ci est alors obligé de puiser dans ses réserves alcalines pour tamponner ces acides. Et devinez quelle base l’organisme va devoir puiser pour contrer ces acides ? le citrate de calcium, celui de notre squelette ! Autrement dit, le lait en excès fragilise les os !
A cet égard, soyons clair. Le lait et les produits laitiers en général ne sont pas les seuls incriminés. Toutes les protéines en excès, animales et végétales, participent au déséquilibre acido-basique de l’organisme et in fine à la fragilisation osseuse.
Et les autres composants du lait ?
Pire, de plus en plus d’études pointent du doigt les dangers pour la santé d’une consommation excessive de lait, et en particulier du lait de vache moderne. Loin de ressembler à celui que buvait nos grands-parents, le lait industriel d’aujourd’hui contient en quantité :
- hormones,
- insuline bovine (structurellement très proche de l’insuline humaine)
- et facteurs de croissance mis en cause dans la survenue de cancers hormonaux dépendants (utérus, sein et prostate notamment) mais aussi du diabète de type 1.
Rappelons également que le sucre du lait, le lactose, est à l’origine de fréquentes perturbations intestinales chez nombres de Français qui souvent en ignorent la cause. Quant aux protéines de lait de vache, telle la caséine, elles participent à l’hyper-perméabilité intestinale, pierre angulaire de nombres de pathologies fonctionnelles courantes dans nos sociétés (lire à ce sujet les ouvrages du Dr Seignalet).
Sans compter évidemment les arguments éthiques et environnementaux liés à l’élevage industriel bovin…
Mais il y a produit laitier et produit laitier !
Attention, il n’est cependant pas honnête de mettre tous les produits laitiers dans le même panier. Eu égard à leurs impacts sur la santé en tout cas.
Laits, fromages, yaourts… tous différents !
Par exemple, les produits fermentés tels que les yaourts ou le kéfir de lait sont une excellente source de vitamine K2. Cette vitamine liposoluble est indispensable à la coagulation et à la santé cardiovasculaire. Leur teneur en probiotiques assure également un effet positif sur le microbiote intestinal.
De plus, la fermentation du lait sous la forme de yaourt puis de fromage augmente l’activité biologique de certaines molécules anti-inflammatoires. Et quand on connait les ravages de l’inflammation chronique dans l’organisme, cette propriété du processus de fermentation est tout à fait intéressante pour la santé.
Globalement, la consommation de produits laitiers fermentés est associée à une diminution :
- du LDL cholestérol,
- des risques d’hypertension,
- des risques de maladies cardiovasculaires,
- et du diabète de type 2.
Il est intéressant de noter que les effets positifs sur les maladies cardiovasculaires, le diabète et le syndrome métabolique ont été d’autant plus observés que les produits laitiers étaient consommés avec des fruits ! Vraisemblablement parce que ceux ci apportent les fibres prébiotiques indispensables à la croissance des bons probiotiques…
A contrario, les fromages sont souvent trop salés. Ils participent de ce fait, outre leur richesse en protéines, au déséquilibre acido-basique de l’organisme.
Remarquons que toutes ces propriétés intéressantes pour la santé n’ont jamais été observées avec la consommation de lait, particulièrement le lait industriel que l’on trouve dans les supermarchés…
Allégés ou entiers ?
On a longtemps diabolisé les grasses saturées en les accusant de favoriser un excès de cholestérol et les maladies cardio-vasculaires. Cette « hypothèse lipidique » a mené à l’explosion des produits allégées en graisse (mais enrichis en sucre et en épaississant, exhausteur de goûts… !) dans les linéaires des supermarchés et à la diabolisation du fromage et des laits entiers.
Or, on sait aujourd’hui que les graisses saturées sont indispensables à une bonne santé. Et leur rôle est largement remis en cause dans l’expansion des maladies cardiovasculaires. Mieux même, des études récentes semblent montrer, marqueurs inflammatoires à l’appui, que la consommation de produits laitiers entiers auraient des effets bénéfiques sur la santé cardiovasculaire. Et ce, bien plus que celle des mêmes produits allégés.
Lait de vache, de brebis ou de chèvre ?
Les études comparant les effets du lait de ces différents animaux sur la santé sont relativement rares.
Notons cependant que la fermentation des laits de brebis et de chèvre sous forme de yaourt et de fromage activent aussi des facteurs anti-inflammatoires. Et cette activation est bien plus forte qu’avec les produits dérivés du lait de vache. Les fromages et les yaourts de chèvre et de brebis, en réduisant l’activité plaquettaire, pourrait également présenter des effets anti-thrombotiques.
Par ailleurs, ces laits sont moins riches en facteurs de croissance que celui de vache. Pour rappel, ces facteurs favoriseraient certains cancers hormonodépendants et le diabète de type 1.
Le lait de chèvre contient bien plus d’acides gras insaturés que le lait de vache. Et l’on sait leur intérêt pour la santé…
Quelle consommation conseillée ?
La plupart des pays recommandent encore la consommation de 2 à 3 produits laitiers par jour (on aime bien dire 3 à 4 parfois en France !). Mais il s’agit de recommandations générales :
- sans préciser la qualité des produits laitiers à préférer,
- ni les quantités exactes à mettre dans son assiette.
Un yaourt est bien un produit laitier, mais quelle quantité représente une portion pour du fromage ? Quand le plateau de fromages arrive sur la table, on est vite tenté d’en déguster plusieurs… Et l’on dépasse allégrement les 30 ou 50 g…
Il s’agira donc bien d’en modérer les apports, mais pas nécessairement d’en supprimer la consommation (si vous n’y êtes pas intolérant).
Ainsi, la consommation en quantité raisonnable de produits laitiers entiers fermentés type yaourts, kéfir ou fromage, de brebis ou de chèvre, semble être intéressante pour la santé.
Par « quantité raisonnable », j’entends limiter au maximum 2 produits laitiers par jour. Autrement dit, entre 0 et 2 produits laitiers par jour, en les choisissant de qualité, comme indiqué ci-dessus.
Attention, les polluants environnementaux s’accumulent dans les graisses. Il reste donc indispensable de choisir ses produits laitiers de qualité biologique et si possible locaux.
Et le plus important…
Enfin, je souhaite insister sur un point fondamental. Mettre sur un piédestal les produits laitiers, ou au contraire les attacher au pilori, ne me semble pas pertinent. Il me semble au contraire bien plus intéressant d’analyser le reste du régime alimentaire mis en place… En somme de prendre du recul.
Par exemple, éviter les produits laitiers car ils sont acidifiants semble logique. Mais cette mesure n’aura que peu d’impacts si l’alimentation est par ailleurs hyperglycémiante (riche en glucides raffinés) et associée à une forte consommation de viande ou de café. Au contraire, la consommation d’un ou deux yaourts de chèvre par semaine, associée à la dégustation d’un bon fromage de brebis le week end, dans le cadre d’une alimentation à dominante largement végétale, légumes verts et fruits en tête, ne portera aucunement préjudice à la santé, au contraire.
Vers des laits végétaux ?
Vous comprendrez donc que, sans nécessairement aller jusqu’à l’éviction complète des produits laitiers, en particulier les produits biologiques des plus petits ruminants, de plus en plus de personnes se tournent vers les « laits » végétaux. Officiellement d’ailleurs, les « laits végétaux » ne peuvent plus être appelés ainsi. Le terme « lait » doit être maintenant réservé aux seuls produits animaux. Nous parlerons donc de boissons végétales, qu’il s’agisse de boissons à base de soja, de riz, d’amandes, de noisettes…
Le net et les librairies regorgent maintenant d’idées et de recettes pour les utiliser au mieux. Il ne tient plus qu’à vous de tester et de découvrir de nouvelles saveurs…
Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : le calcium est bien sûr indispensable à la bonne santé osseuse. On le trouve en quantité (et mieux absorbé par l’organisme) dans les végétaux (et en particulier dans les légumes aux feuilles vertes et les oléagineux !).
Merci d’être arrivé au bout de cet article qui je l’espère vous aura intéressé. Si je n’ai pas répondu à toutes vos questions concernant l’impact des produits laitiers sur la santé, n’hésitez pas à les poser en commentaire. J’y répondrai directement ou j’en ferai un prochain article !
Et n’hésitez pas à partager bien sûr !
Sources :
- Aune. 2015. Dairy products, calcium and prostate cancer risk: a systematic review and meta-analysis of cohort studies. Am. J. Clin. Nutr. 101:87-117.
- Jia et al. 2016. Dairy product consumption and risk of non-Hodgkin lymphoma: a meta-analysis. Nutrients 8,120, doi:10.3390.
- Lordan R. et al. 2018. Dairy fats and cardiovascular disease: do we really need to be concerned? Review. Foods 7:29; 34pp.
- Tai et al. 2015. Calcium intake and bone mineral density: a systematic review and meta-analysis. BMJ, 351:h4183.
- Wang et al. 2015. Calcium intake and hip fracture risk: a meta-analysis of prospective cohort studies. Int. J. Clin. Exp. Med. 15, 8: 14424-31.
Crédit photo : paPisc/Flickr
Bonjour Marine,
Merci pour cette article.
Il est très complet et intéressant.
Si j’ai bien compris, une bonne pratique positive à retenir serait donc de consommer chaque jour un produit laitier entier fermenté bio et local en complément de fruits.
Est-ce bien cela ?
Bonne continuation et à bientôt,
Julien
Bonjour Julien,
Oui, tu as bien compris (j’ajouterai en privilégiant les produits issus du lait de chèvre ou de brebis).
Si tu les aimes, un produit laitier par jour ne pose généralement pas de problème, en dehors de pathologies inflammatoires chroniques (type arthrite par exemple, où il est préférable de les exclure dans un premier temps).
Pour un sportif, et encore une fois, cela dépend bien sûr du reste de l’alimentation. Si ton alimentation est largement dominée par les légumes et les fruits, et modérée en produits animaux par ailleurs, elle est donc basifiante. L’équilibre acido-basique est primordiale. Or le sport intensif et les produits animaux (y compris laitiers) sont acidifiants. C’est donc comme toujours une question d’équilibre…