fruits hors repas - bol de fruits
Nutrition, Sciences et Santé (NxS Santé)

Pourquoi manger (ou pas) ses fruits hors repas ?

L’allègement des repas qui bien souvent précède les vacances estivales m’a donné envie de vous écrire quelques mots sur un grand principe largement répété en naturopathie : la dissociation alimentaire… Ou faut-il vraiment manger ses fruits hors repas ? (réponse en fin d’article !)

 

Plus on dissocie et mieux on digère !

Dissociation alimentaire ?

C’est un principe selon lequel certaines combinaisons d’aliments seraient préférables à d’autres en termes de digestion, d’assimilation et plus généralement de santé.

La justification évoquée repose sur la physiologie digestive. Elle montre effectivement que les différentes catégories alimentaires (protéines, lipides et glucides) :

  • nécessitent des enzymes différentes,
  • dans des conditions différentes (notamment de pH)
  • et en des lieux différents.

C’est ainsi que les protéines subissent leur première dégradation dans l’estomac, sous l’action de la pepsine, enzyme digestive fonctionnant exclusivement en milieu acide… Les glucides, quant à eux, démarrent leur digestion dès la bouche sous l’effet de l’amylase salivaire, en milieu plutôt basique, et à condition que la mastication soit suffisante.

Il en résulterait que

  • plus on mélange les aliments, plus on allonge la digestion,
  • et plus on dissocie les aliments, plus on l’accélère…

La dissociation alimentaire sévère de Shelton

Le médecin américain Herbert M. Shelton (1895-1985) est considéré comme l’un des pères des dissociations alimentaires. Cependant, les principes de sa cure visaient à une détoxication profonde et rapide de l’organisme. Seuls les légumes verts pouvaient s’y associer correctement aux protéines ou aux glucides. Autrement dit, toutes les autres catégories d’aliments devaient être consommées seules (accompagnées de légumes verts). Tandis que les fruits devaient être pris hors repas, sans mélanger fruits doux et acides (agrumes, ananas…).

Pratiquée de quelques jours à quelques semaines, cette approche permet effectivement de mieux digérer et de perdre son surpoids sans trop d’efforts… Le processus de détox ici mis en route se fait sur le mode d’un jeûne déguisé

 

Plus on dissocie et moins on assimile !

Mais pratiquée à long terme, la cure de Shelton aboutit à :

  • des carences sévères,
  • une fonte musculaire,
  • un dysfonctionnement hormonal pouvant mener à l’arrêt des menstruations, voire même des dépressions psychologiques…

Aujourd’hui, la naturopathie assouplit cette approche extrême en prônant un ajustement des associations alimentaires dans une formule plus adoucie. Y est autorisée notamment la consommation au même repas

  • des protéines dites « fortes » (viande, poissons, produits de la mer) avec les amidons dits « faibles » (céréales sans gluten, pomme de terre, patate douce, potiron, châtaigne…),
  • ou des protéines « faibles » (végétales) avec les amidons « forts » (céréales à gluten).

 

Interrogations personnelles et éléments de réponse sur la question des fruits hors repas

Naturopathe, mais aussi scientifique de formation, je m’interroge aujourd’hui sur la pertinence, non pas de la pratique de ces associations, mais de leur justification physiologique

L’amélioration digestive et la perte de poids qui accompagnent ces pratiques résultent en effet davantage de la simplification et de l’allégement des repas. Ces principes limitent nécessairement fortement le recours aux produits industriels transformés. Plutôt que des principes associatifs proprement dits.

Fruits hors repas ou pas ?

Prenons l’exemple des fruits pris hors repas. La justification la plus souvent avancée explique que les fruits stagneraient dans l’estomac mélangés aux autres aliments (en particulier protéiques), s’ils étaient consommés en dessert. Il en résulterait une fermentation favorisant la libération de gaz avec ballonnements et remontées acides. Ces fruits occasionnerait aussi une acidité accrue de l’estomac et donc des maux de ventre. Soit.

Pourtant, la fermentation nécessite la présence de bactéries. Or l’estomac en héberge très peu, grâce notamment à l’acide chlorhydrique qu’il produit, maintenant un pH très acide (autours de 1,5-2 entre les repas). De plus, toute ingestion de nourriture diminue transitoirement l’acidité de l’estomac. Celle-ci remonte à des valeurs de pH de 3-4 environ au cours et surtout après le repas, particulièrement en cas de consommation de protéines. La consommation de glucides élève moins le pH stomacal. Il en résulte donc que pour limiter la montée acide, il vaudrait mieux manger ses fruits (riches en glucides) au cours du repas !

Bilan : ne généralisons pas !

Si certains se trouvent mieux de manger des fruits hors repas, qu’ils continuent. Sinon, n’en faisons pas une obligation… Au risque de les oublier et de ne plus en consommer. Ce serait bien dommage de se priver de leurs bienfaits (notamment fibres, vitamines et minéraux) uniquement pour « obéir » à des injonctions standardisées et pas nécessairement pertinentes.

Abolissons les « Il faut… » qui le plus souvent ne mènent qu’à une rigidité (qu’elle soit alimentaire ou autres d’ailleurs) sclérosante… Et cessons de répéter en boucle des principes qu’il serait bon de vérifier individuellement plutôt que de vouloir en faire des généralisations. L’un des grands principes de la naturopathie est l’individualisation et la prise en compte de la personne que l’on a en face de soi, dans sa globalité. On parle d’holisme.

L’alimentation doit rester un plaisir et un acte conscient. Où la mastication et le réapprentissage des sensations de faim et de satiété devraient être bien davantage mis en avant.

 

Merci d’être arrivé au bout de cet article qui je l’espère vous aura intéressé. Si je n’ai pas répondu à toutes vos questions, n’hésitez pas à les poser en commentaire. J’y répondrai directement ou j’en ferai un prochain article !

Et n’hésitez pas à partager bien sûr !

 

Sources :

« Les associations alimentaires », Daniel Kieffer, Les clés de la naturopathie, Jouvence Editions.

« Faut-il manger les fruits en dehors des repas ? » Thierry Souccar, 2 juin 2015, Lanutrition.fr

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