Les reins font certainement partie de vos organes les plus importants (mais y-a-t-il des organes non importants ?!). Avec le foie, ils ont pour rôle d’éliminer tous les déchets de votre organisme, et donc de ne pas vous empoisonner !
De plus, les reins sont des acteurs principaux dans l’équilibre de la composition des liquides de l’organisme : concentration sanguine en différents minéraux, régulation du pH sanguin (acidité)…
C’est pourquoi toute maladie qui, directement ou indirectement, a pour conséquence une détérioration du bon fonctionnement rénal, est fortement préoccupante. C’est le cas notamment du diabète ou de l’hypertension artérielle.
A terme, et sans prise en charge efficace et appropriée, les pathologies qui dégradent le fonctionnement des reins mènent à l’insuffisance rénale chronique (IRC). Les néphrons, c’est-à-dire les unités fonctionnelles des reins, sont progressivement détruits. Et c’est pour le moment irréversible…
Le problème, c’est que les symptômes n’apparaissent généralement que lorsque la situation est déjà bien avancée, et les reins bien abimés. Anémie (par insuffisance d’EPO, une hormone secrétée par les reins), augmentation de la tension artérielle, déminéralisation osseuse, perturbation ionique sanguine… sont autant de complications qui résultent d’une IRC.
Bref, la situation n’est pas très enviable, et peut nécessiter à plus ou moins long terme la mise en place de dialyses régulières (quand une machine nettoie pendant quelques heures le sang, à la place des reins), voir une greffe rénale. 10% des Français sont concernés !
Je ne détaillerai pas d’avantages les symptômes et complications de cette maladie. La plupart des sites médicaux (Vulgaris Medical, INSERM par exemple) le font très bien.
En revanche, c’est sur la place de l’alimentation dans la prévention de l’IRC que je souhaite revenir. Et surtout sur les données scientifiques récentes qui mettent en avant des approches très peu utilisées aujourd’hui, et pourtant prometteuses.
Quelques nutriments aux effets importants pour vos reins
La place des protéines dans l’alimentation
Une question de quantité…
Plusieurs études se sont particulièrement intéressées aux effets d’une réduction de la consommation de certains nutriments, dont les protéines. Elles observent de meilleurs résultats en matière d’IRC, en particulier chez les personnes atteintes d’une maladie modérée à grave.
Selon plusieurs études, l’importance de la consommation de protéines peut moduler la fonction rénale et son rôle dans l’insuffisance rénale a suscité un débat permanent dans la littérature.
Sur la base de 2 méta-analyses (études analysant les résultats de plusieurs études ayant une même question de recherche), des régimes pauvres en protéines avec un apport en protéines de 0,8 g / kg de poids corporel par jour ont permis de réduire les risques de dégradation de la fonction rénale.
Cependant, le niveau optimal d’apport en protéines alimentaires pour ralentir la progression de la maladie rénale chronique tout en maintenant un état nutritionnel adéquat reste difficile à établir.
… Et de qualité
Pour compliquer encore les choses, la source de protéines (d’origine végétale ou d’origine animale) peut avoir des effets différents sur la fonction rénale. Les protéines dérivées de sources végétales, par rapport aux sources animales, semblent avoir un impact moindre sur les facteurs de risque métaboliques de la néphropathie.
Les paramètres métaboliques affectés par un apport élevé en protéines sont principalement dus aux fortes charges de phosphate et d’acides non volatils.
Le phosphate des protéines d’origine végétale est complexé sous la forme d’acide phytique, moins digestible chez l’homme et moins biodisponible que les protéines d’origine animale (viandes, mais aussi produits laitiers, très riches en phosphates).
Or, des taux élevés de phosphore et de potassium dans le sang ont été associés à une issue défavorable chez les patients atteints de néphropathie chronique, à la fois en termes de mortalité et de progression de l’insuffisance rénale. C’est pourquoi le contrôle de ces deux micronutriments est une priorité de longue date dans les soins des patients atteints d’IRC.
La carence en magnésium joue un rôle dans l’aggravation de l’insuffisance rénale chronique
Beaucoup moins connu, il semble aujourd’hui que la carence en magnésium (Mg) joue un rôle non négligeable dans l’IRC.
Plusieurs études suggèrent qu’un faible taux sanguin de Mg est associé à une dégradation de la fonction rénale.
Cette carence permettrait la production accrue de cytokines (messagers sanguins chimiques) inflammatoires par certaines cellules endothéliales. Les cellules endothéliales tapissent la face interne des vaisseaux sanguins. Ces cytokines participeraient alors au déclin de la fonction rénale.
Et le fructose…
Enfin, on suppose que la consommation de sucre, en particulier de fructose, augmente le risque de maladie rénale.
Les chercheurs ont proposé plusieurs mécanismes liant la consommation de sucre à la maladie rénale chronique, notamment une augmentation de l’acide urique, du diabète, de l’obésité et de l’hypertension.
Les habitudes alimentaires qui préviennent l’insuffisance rénale chronique
Évidemment, s’intéresser uniquement à quelques nutriments n’est pas suffisant pour interroger l’influence d’un mode alimentaire global. Si votre consommation en protéines est raisonnable, mais que votre alimentation est très riche en graisses saturées et en glucides raffinés par exemple, il est claire que les désavantages d’un tel modèle alimentaire annihilent tous les bienfaits d’une consommation modeste en protéines animales.
C’est pourquoi, il est plus intéressant en pratique de s’intéresser aux modèles alimentaires généraux qui ont montré une efficacité dans la prévention de l’insuffisance rénale chronique.
Parmi les habitudes alimentaires associées à des résultats favorables en matière de néphropathie chronique, on peut citer le régime DASH (approches diététiques contre l’hypertension) et le régime méditerranéen.
Nous verrons que c’est une propriété en particulier de ces deux régimes alimentaires qui semblent protéger les reins…
Le régime DASH
Le régime alimentaire DASH est riche en légumes et en fruits, en produits laitiers écrémés, en céréales complètes, poissons, volailles, légumineuses, graines et oléagineux. Il contient peu de sodium (sel), de sucres ajoutés, de sucreries, de graisses et de viandes rouges. Cette approche alimentaire est aujourd’hui un traitement reconnu de l’hypertension, des maladies cardiaques et des calculs rénaux.
Peu d’études ont examiné le lien entre les habitudes alimentaires de type DASH et la néphropathie chronique.
Dans une étude portant sur des femmes âgées, l’adhésion à un régime alimentaire de type DASH était associée à un risque plus faible de baisse de la filtration glomérulaire, c’est-à-dire de baisse du fonctionnement rénal, comparativement aux femmes ne suivant pas le régime DASH. Et ce, même en prenant en compte l’utilisation d’antalgiques, de médicaments hypolipidémiants et la durée du diabète.
Attention, il faut cependant rester prudent sur ce régime qui ne peut être recommandé aux personnes atteintes de néphropathie chronique avancée. En effet, le régime DASH contient une teneur en protéines, en potassium et en phosphore plus élevées que celle recommandée pour les patients atteints de néphropathie chronique de stade 3-4.
Des études plus récentes montrent néanmoins que le régime DASH pourrait être bénéfique pour les adultes atteints d’insuffisance rénale chronique modérée.
Le régime méditerranéen
Le régime alimentaire traditionnel méditerranéen est caractérisé par :
- Une forte consommation de légumes, de légumineuses, de fruits, de noix et d’huile d’olive
- Un apport modérément élevé de poissons
- Une consommation faible à modérée de produits laitiers (plutôt de brebis et de chèvre)
- Une faible consommation de graisses saturées, de viande et de volaille
- Et une consommation régulière mais modérée de vin rouge pendant les repas.
Il existe de nombreuses preuves démontrant les effets bénéfiques d’une telle alimentation pour la prévention de plusieurs maladies chroniques (dont le diabète de type 2) et la réduction du risque de mortalité. Il est particulièrement connu pour améliorer le risque cardiovasculaire.
Une étude récente a examiné les associations d’adhérence au régime méditerranéen sur la fonction rénale à long terme. Elle montre que ce régime peut réduire de manière significative le risque de maladie rénale chronique.
Une question de charge acide
Le régime alimentaire est un facteur déterminant de la charge en acide qui doit être excrétée par les reins pour maintenir l’équilibre acido-basique, c’est-à-dire l’équilibre du pH sanguin.
La charge nette en acide du régime alimentaire est devenue un domaine d’étude prioritaire. Elle décrit l’équilibre entre :
- D’une part, la production d’acidité induite par le régime à partir d’acides aminés soufrés,
- Et d’autre part, l’alcalinité à partir de sels de potassium d’acides organiques.
La teneur en soufre du régime alimentaire provient de l’apport en protéines animales, qui est métabolisé en acide sulfurique. A l’opposé, les sels de potassium d’acides organiques, issus essentiellement des légumes et des fruits, génèrent du bicarbonate, alcalin, c’est-à-dire basifiant.
Ainsi, les régimes riches en protéines animales produisent de l’acide et augmentent la charge nette en acide de l’alimentation. A l’inverse, les régimes riches en fruits et légumes génèrent du bicarbonate et diminuent la charge nette en acide du régime alimentaire.
Les données actuelles suggèrent qu’une réduction de la charge acide nette alimentaire pourrait être bénéfique chez les patients atteints de néphropathie chronique. Cependant, la suprématie de tout régime alimentaire particulier n’a pas encore été établie.
Mesure de la charge acide alimentaire
Les effets de l’alimentation sur le métabolisme acido-basique chez l’homme sont suffisamment bien établis pour permettre des estimations quantitatives de la production nette d’acide endogène (PNAE) à partir des connaissances sur les types d’aliments et leurs quantités consommées.
Le PNAE peut être calculé à partir de la somme :
- des taux de production d’acide sulfurique (résultant du métabolisme d’acides aminés alimentaires contenant du soufre)
- et d’acides organiques (résultant d’une combustion incomplète des glucides et des graisses)
- moins celle du bicarbonate (résultant de la combustion de sels d’acides organiques alimentaires de potassium et de magnésium)
Ces taux peuvent tous être calculés à partir de la composition en éléments nutritifs de différents aliments.
Dans les régimes typiques des pays industrialisés, la personne moyenne excrète de l’urine acide. Car l’apport en acide de l’alimentation est élevé.
À des apports alimentaires élevés en acide, la capacité du corps à excréter la charge acide totale produite semble insuffisante et peut conduire à une rétention nette en acide.
Or une concentration plus élevée de charge acide dans l’alimentation est associée à un risque accru de progression de la néphropathie chronique.
Ainsi, réduire la charge acide pourrait constituer un traitement efficace et sûr pour protéger les reins.
En pratique
A ce stade de votre lecture, les mesures à prendre vous sembleront donc évidentes.
En pratique, on veillera donc à privilégier, à tous les repas, les légumes d’abord, les fruits ensuite. Et on modèrera la quantité de protéines animales consommées (sous forme de viande mais aussi de produits laitiers).
Il est également indispensable de systématiser la présence de légumes (végétaux verts en particulier… et non la pomme de terre n’est pas un légume !) à chaque repas contenant des produits animaux.
Les fruits, riches en fructose, sont à consommer quotidiennement, mais avec modération. Les choisir mûrs à point, locaux et si possible bio.
Penser aussi à bien mastiquer, tout simplement en prenant le temps de savourer ce que vous mangez. Vous limiterez ainsi les résidus d’une digestion incomplète, et laisserez le temps à votre corps d’informer votre cerveau que vous êtes rassasié.e !
Faire régulièrement des cures de compléments de magnésium pourraient aider à protéger vos reins, alors pensez-y… à condition de choisir une forme de magnésium non laxative et bien assimilable (oubliez le magnésium marin !).
S’inspirer du modèle méditerranéen est donc une bonne idée… et un moyen savoureux de préserver sa santé ! Pour ne plus faire partie des 10%…
Références scientifiques :
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