Un monde confronté aux défis viraux…
Le XXIᵉ siècle est marqué par une accélération des contacts entre l’homme et les agents pathogènes. Virus de la grippe, rhume saisonnier, COVID-19 : autant de noms familiers qui témoignent de notre cohabitation constante avec un monde microscopique, à la fois invisible et omniprésent.
À cela s’ajoute la menace croissante de nouvelles zoonoses, ces maladies qui émergent lorsque des pathogènes passent de l’animal à l’homme. L’épidémie de COVID-19 a illustré l’impact colossal que peuvent avoir ces agents pathogènes (et leur prise en charge) sur nos vies.
Cependant, les zoonoses ne sont pas une nouveauté. La grippe aviaire, le virus Nipah, ou encore le hantavirus ont montré, au fil des dernières décennies, combien les interactions entre la faune sauvage, les élevages et l’humain pouvaient créer des passerelles vers de nouvelles crises sanitaires. Ces phénomènes, exacerbés par la déforestation, l’urbanisation et les voyages internationaux, forment une toile complexe où chaque perturbation peut entraîner une flambée épidémique.
Face à ces menaces, il est tentant de se tourner exclusivement vers des solutions externes : vaccins, traitements antiviraux, masques et distanciation social.
… Qui nous ramène à notre propre terrain
Mais c’est oublier un peu vite que notre santé est avant tout entre nos mains.
Que, tout comme je suis responsable de l’état de ma maison ou de mon jardin, je le suis aussi de mon terrain… Mon terrain personnel, autrement dit ce avec quoi je suis né.e, mes prédispositions génétiques et ce que j’en ai fait aujourd’hui.
Ce terrain est donc évolutif, il dépend d’où je pars, et de comment je mène ma vie pour en arriver où j’en suis maintenant. Mon environnement, mes comportements, mes croyances, mes capacités sont autant de facteurs pouvant influencer mon terrain.
C’est donc oublier un peu vite que nous avons cette immense liberté (et responsabilité) d’agir sur notre état de santé, et sur nos capacités immunitaires pour nous protéger de ces virus, et de tous leurs successeurs qui ne manqueront pas d’arriver.
Apprendre à vivre avec
Car il est une information capitale que l’on n’a que très peu, pour ne pas dire jamais entendu dans les grands médias classiques lors des dernières années : nous vivons en permanence en contact rapproché avec les virus (et les bactéries, levures…), nous en hébergeons même en quantité.
Et c’est normal !
Notre système immunitaire a co-évolué (et continue à le faire) à leur contact.
Imaginez ! Il est capable d’identifier le non soi pathogène (problématique) du non soi à tolérer (microbiote, aliments…), tout comme il repère le soi altéré (cellule infecté ou cancéreuse) du soi conforme. Puis de gérer tout ça… à condition de lui en donner la possibilité, et de lui apporter les briques dont il a besoin !
Dans cette série d’articles, je vous propose donc d’explorer plus en profondeur une bonne partie des approches qui ont fait la preuve de leurs capacités à construire et renforcer notre système immunitaire. En commençant, comme toujours, par en présenter le fonctionnement… Car pour agir intelligemment, il faut d’abord comprendre !
Dans ce 1er article, vous retrouverez donc une explication claire du fonctionnement du système immunitaire et de ses rôles, parfois méconnus, pour notre santé.
Dans les articles suivants, j’aborderai successivement les choix alimentaires, émotionnels et physiques qui permettent de renforcer de manière claire et nette son immunité. Nous parlerons ensuite de l’importance du sommeil, puis des plantes et compléments alimentaires qui peuvent aussi aider à…
Construire sa « maison immunité »
Une bonne immunité, comme une bonne maison, se construit pas à pas, en suivant un plan, et avec des matériaux de qualité…
Construire une maison solide et saine nécessite notamment :
- De fournir tout ce que la construction requiert : terrain sain, matériaux de qualité, architecte, contremaitre et ouvriers qualifiés, ayant à disposition les bons outils
- D’éviter/limiter/gérer au mieux tout ce qui peut gêner la construction ou mener à une construction bâclée : les intempéries et inondations, un réseau routier vétuste et trop encombré empêchant l’arrivée des matériaux et des ouvriers, des ouvriers surchargés travaillant sur plusieurs chantiers en même temps…
Les matériaux et outils de notre immunité sont les nutriments (protéines, lipides, glucides de qualité, fibres…) et micronutriments (vitamines, minéraux, oligo-éléments, phytonutriments dont les fameux antioxydants) sans lesquels nos ouvrières, les cellules immunitaires et les enzymes actives, sont complètement démunies.
Notre alimentation, éventuellement renforcée à l’aide des plantes et de compléments bien choisis, doit donc nous apporter ce que notre corps a besoin, au jour le jour.
Il nous faut aussi de bonnes compétences à la manœuvre :
- un microbiote intestinal sain, notre architecte maison,
- et ses contremaitres : nos muqueuses, notamment intestinale, intègres.
Sans oublier d’entretenir un processus continuellement en construction et en renouvellement :
- savoir s’adapter à et limiter les conséquences des intempéries, c’est apprendre à gérer son stress, accueillir et accepter ses émotions. In fine, c’est apprendre la flexibilité pour ne pas casser.
- Un réseau routier de qualité, des camions en bon état et des ouvriers efficaces quotidiennement, ne sont que la conséquence d’une activité physique régulière et d’un sommeil réparateur…
Et vous savez quoi ? La maison que nous construisons ainsi sera saine, ouverte aux échanges avec l’extérieur tout en ayant un regard juste et bienveillant sur les allers et venues. Nous nous y sentons bien, confiant, en sécurité… et ouverts aux échanges et aux temps partagés avec nos voisins…
Une réponse intérieure
Rappelons également que la solution à ces temps de crise (sanitaire du moins) ne peut être qu’intérieure !
Nous sommes tous équipés d’un système immunitaire taillé et équipé pour répondre correctement à ces sollicitations extérieures. Il est au service de notre santé.
Encore faut-il lui en donner les moyens !
En effet, une propriété fondamentale de l’immunité est qu’aucune partie de notre corps n’est coupée de sa surveillance.
C’est pourquoi, bien que le système immunitaire puisse sembler moins important qu’un organe comme le cœur ou le foie, l’immunité consomme globalement d’énormes ressources, produisant le grand nombre de cellules dont elle dépend pour bien fonctionner.
Les maladies infectieuses émergentes ont autant de potentiel pour influencer l’histoire humaine future que les épidémies et les pandémies du passé. Mais ne pas les subir en spectateur impuissant dépend de notre compréhension de la manière de maximiser notre potentiel immunitaire.
Alors, encore une fois, prenons nous en main, et apportons chaque brique, une à une, nécessaire à la construction, à l’entretien et au fonctionnement de notre maison immunité.
Immunité : de quoi parle-t-on ?
Pour agir efficacement, il faut d’abord comprendre. Aussi, prenons ici le temps d’explorer un peu le fonctionnement du système immunitaire… afin ensuite de mieux le servir dans notre vie de tous les jours.
Un système de défense organisé
Avant tout, on connait le système immunitaire comme le système de défense du corps. Il se doit de détecter et d’éliminer les menaces à l’intégrité de l’organisme, qu’elles soient internes ou externes.
Pour ce faire, le système immunitaire ne s’appuie pas sur des organes spécifiques, comme les poumons pour le système respiratoire, ou les reins pour le système urinaire. Il est au contraire distribué dans tout l’organisme, via ses innombrables cellules, que l’on appelle leucocytes ou globules blancs.
Bien qu’il n’ait pas d’organes spécifiques, le système immunitaire occupe néanmoins une part importante de l’organisme ! Une synthèse récente a ainsi estimé à 1,2 kg la masse de l’ensemble des cellules immunitaires pour un homme de 73 kg.
Ces leucocytes sont divisés schématiquement en deux grandes catégories
- Les cellules du système immunitaire inné et non spécifique, telles que :
- les granulocytes (neutrophiles, éosinophiles ou basophiles),
- les macrophages tissulaires (ces derniers capables de phagocytose, c’est-à-dire de littéralement « manger » leurs ennemis ou les débris de cellules à éliminer ; on les trouve dans de nombreux tissus du corps : peau, foie, poumons, cerveau…)
- ou encore les cellules NK (pour « Natural Killers » ou tueuses naturelles).
Ces cellules sont les premières à agir en cas d’infections.
- Les cellules du système immunitaire adaptatif, acquis et spécifique, qui se développent et maturent soit dans la moelle osseuse (les lymphocytes B), soit dans le thymus (les lymphocytes T).
Ces cellules, via des récepteurs cellulaires uniques, sont capables de reconnaitre des fragments d’antigènes spécifiques (c’est-à-dire le non soi).
Ce sont aussi ces cellules qui permettent une mémoire immunologique, de sorte que la réinfection est contrée plus rapidement et plus efficacement.
Des cellules spécialisées font le lien entre les deux types de système immunitaire
Ces cellules spécialisées, appelées dendritiques, captent des fragments du non soi attaqués par les cellules du système immunitaire non spécifique afin de les présenter aux cellules du système immunitaire spécifique et l’activer.
Ces deux parties du système immunitaire ne fonctionnent donc pas indépendamment l’une de l’autre mais en coopération.
Les globules blancs sont originaires, se développent et interagissent avec les organes lymphoïdes. Il s’agit de la moelle osseuse et du thymus donc, mais aussi des ganglions lymphatiques, de la rate, et de tous les tissus spécifiques associés aux muqueuses (poumons, peau et plaques de Peyer dans l’intestin grêle notamment).
Les cellules immunitaires et dendritiques circulent entre tous ces organes, telles de véritables sentinelles, via les circulations sanguine et lymphatique.
Bien sûr, ces cellules communiquent entre elles et avec l’ensemble des cellules du corps via des petites molécules messagères, que l’on appelle des cytokines. Selon la cytokine envoyée, la réponse sera différente…
Certaines par exemple envoient des messages pro-inflammatoires et amènent à une réponse immunitaire locale accrue. Tandis que d’autres hissent le drapeau blanc et véhiculent des messages anti-inflammatoires.
Comme toujours, les deux types de messages sont nécessaires, tant que le mécanisme reste modulé, équilibré et ajusté à la menace réelle.
Mais un système de défense flexible
Aussi bien organisé soit-il, ce système de défense doit être adaptable et polyvalent.
Car après tout, le soi est-il toujours inoffensif ? Et tous les microbes sont-ils nocifs ?
Du soi nuisible…
Non seulement les cellules du système immunitaire inné détectent les intrus nuisibles traditionnels (bactéries, virus, champignons et autres agents pathogènes), mais elles réagissent également à des molécules du soi qui alarment le système immunitaire de la présence de lésions tissulaires.
Ces molécules sont libérées par des cellules du soi mourantes ou stressées dans les tissus infectés ou blessés. Elles ont deux objectifs :
- amplifier la réponse immunitaire si du non soi est présent (comme dans le cas d’une infection)
- et enrôler le système immunitaire dans le processus de réparation des tissus.
En d’autres termes, les composants des systèmes inné et adaptatif sont prêts à réagir au soi lorsqu’il signale un danger ou devient lui-même nuisibles.
Et du non soi indispensable
Le système immunitaire comprend également rapidement la réalité selon laquelle tout le soi microbien n’est pas nocif.
Les milliards de bactéries commensales et autres microbes qui nous accompagnent tout au long de notre parcours de vie sont essentiels à notre bien-être.
Des mécanismes de régulation internes au système immunitaire garantissent donc que les leucocytes des muqueuses (telles que l’intestin, la peau et les poumons) sont soigneusement contrôlés afin d’éviter les attaques inutiles contre des commensaux utiles !
Mieux, ce sont les interactions permanentes entre le microbiote (bactéries, virus et champignons inclus) et les cellules immunitaires qui façonnent et modèlent progressivement et continuellement le système immunitaire.
En fait, les interactions sont bidirectionnelles : les bactéries intestinales développent et régulent le système immunitaire de l’hôte et le système immunitaire affecte la composition du microbiote intestinal.
Pour des réponses échelonnées dans le temps
Les adaptations que nous faisons en réponse à l’infection sont mesurées sur de nombreuses échelles de temps.
- Elles peuvent se produire rapidement en quelques minutes et se résoudre tout aussi rapidement,
- elles peuvent se poursuivre pendant des jours jusqu’à ce qu’une infection virale soit éliminée,
- ou elles peuvent être durables et modifier l’anatomie locale d’un tissu comme la polyarthrite rhumatoïde, une maladie auto-immune.
Le système immunitaire est donc un réseau hautement connecté de nombreux types de réponses différentes déployées pour maintenir le statu quo d’un environnement interne exempt de pathogènes.
Le système immunitaire n’est pas qu’un système de défense !
La défense de l’organisme n’est qu’une manifestation de la fonction globale du système immunitaire dans le maintien de l’équilibre interne et de l’intégrité du système.
En fait, les effets des cellules et des facteurs immunitaires ne se limitent pas à la défense du corps. Ils s’étendent également au développement, à l’homéostasie des tissus, à la reproduction et à la réparation. Le système immunitaire fait donc partie intégrante de ces processus physiologiques fondamentaux.
De plus, les études menées depuis les années 80 montrent une étroite et évidente interférence entre le système immunitaire et d’autres systèmes de l’organisme tels que le système nerveux central, le système hormonal et le système cardiovasculaire, qui tous, ensemble, régulent les métabolismes généraux du corps humain.
D’ailleurs, les chercheurs et les professionnels de médecine commencent à reconnaître les implications du système immunitaire dans leurs domaines respectifs.
Aujourd’hui, le système immunitaire est donc vu davantage comme un mécanisme de surveillance global qui s’efforce de maintenir l’intégrité des tissus, et in fine, celle du système, à savoir notre corps humain.
Et lorsqu’on se rappelle que ce même système immunitaire est lui-même continuellement façonné par les micro-organismes que nous hébergeons…
On comprend donc mieux que notre santé, et probablement aussi notre comportement et notre humeur, dépendent de ce que nous mangeons ou de ce que nous faisons (comportement et style de vie), mais aussi de ce que nous hébergeons, le tout étant lié.
Je vous propose donc d’explorer davantage cette relation entre la qualité de notre système immunitaire et notre alimentation dans le prochain article.
Et si cet article vous a plu, ou vous a permis d’en apprendre davantage sur votre système immunitaire, n’hésitez pas à le partager, et à me faire part de vos remarques en commentaires ! Merci !
Références
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