Je vous propose cette fois-ci un article un peu différent de ce que vous avez l’habitude de lire sur ce blog. Pas de références ni de compte-rendus d’expériences scientifiques, mais une réflexion personnelle sur un sujet qui me questionne vraiment en ce moment : Existe-t-il une réelle liberté de manger ? Autrement dit, est-on réellement libre ce que l’on met dans son assiette ?
Je profite ainsi d’un carnaval d’articles proposé par le blog Investir et s’enrichir. Si vous n’en connaissez pas le principe, c’est très simple. Il s’agit pour chaque blogueur intéressé par le sujet (ici la liberté), de rédiger un article avant une date déterminée et de le publier, tout en prévenant le blog qui a lancé le carnaval. Celui-ci se chargera ensuite de collecter l’ensemble des articles pour les réunir sous la forme d’un livre distribué librement…
Voici donc ma contribution, sur un sujet éminemment fondamental lorsque l’on s’intéresse à l’alimentation santé !
Qu’est-ce que la liberté ?
Pas d’inquiétude, il ne s’agit pas ici de disserter pendant 2 heures sur un sujet souvent donné aux lycéens en juin qui passent leur bac de philo !
Je me contenterai donc de reprendre la définition de S.R. Covey, que j’ai fait mienne depuis que je l’ai découverte :
« Entre la réponse et le stimulus se trouve notre plus grande force : notre liberté de choix.«
Il s’agit donc de déconnecter notre action du stimulus qui pourrait la faire naitre, de sorte à ne pas ré-agir à une situation, mais bien à pro-agir.
En effet, la particularité de l’être humain est qu’il peut réfléchir sur lui-même. C’est ce qui nous permet d’étudier nos paradigmes et de vérifier qu’ils reposent sur de vrais principes, et qu’ils ne sont pas fondés sur des conditionnements.
La liberté, c’est donc lorsque nos actions ne résultent pas d’une émotion, d’une habitude, d’un conditionnement… mais sont des réponses à des choix faits en toute connaissance de causes et réfléchis.
Nous ne sommes pas nos habitudes, nous ne sommes pas nos émotions. Et pour gagner notre liberté, il est donc fondamental de les examiner, ces habitudes et ces émotions, pour les dissocier de nos actions. Choisir librement, c’est donc décider comment l’on répond à ces habitudes et à ces émotions… En choisissant consciemment de les laisser conduire quelques instants, ou pas !
La liberté de manger : un mythe ?
Nous ne sommes pas libre de manger tant que nous ne comprenons pas que ce que l’on met dans notre assiette, à quelles heures et en quelles quantités, ne sont que des ré-actions à des habitudes, des cultures, des émotions et/ou des croyances.
Des habitudes
Il est midi. L’horloge sonne et les collègues de bureau se lèvent pour se rendre ensemble au self de l’entreprise.
Il est midi. Je n’ai pas encore tout à fait fini d’écrire mon texte, mais je me lève de mon bureau pour rejoindre la cuisine. Je n’ai pas vraiment faim, mais l’heure, c’est l’heure !
17h. Les enfants finissent leur goûter. Du coup, je grignote aussi un gâteau sec, ou quelques noix de cajou. Je n’ai pas faim… mais c’est l’habitude.
Ces situations, nous les connaissons tous ou presque. Le poids des habitudes nous fait faire les choses comme des automates, sans même y faire attention…
Attention, les habitudes sont nécessaires. Elles structurent notre quotidien, et nous évitent de devoir prendre sans cesse des décisions pour tout et en permanence, ce qui représenterait un stress évident pour notre cerveau. Mais elles méritent d’être régulièrement ré-interrogées. Telle ou telle habitude prise, reste-t-elle encore pertinente et justifiée aujourd’hui ?
Ou faut-il m’en déshabituer ? Ou mieux, prendre une nouvelle habitude de substitution ?
Or, en ce qui concerne l’alimentation, les habitudes sont légions, et propres à chacun ou à chaque famille : la pizza du vendredi soir, ou les pâtes du dimanche soir. Le gruyère dans les pâtes, la sauce tomate (pour ne pas dire le k…up !) dans le riz, baguettes/beurre/confiture le matin… Autant d’habitudes que l’on prend souvent enfant, et que l’on peut garder très longtemps.
Pour d’autres, ce sera jus frais le matin et œuf à la coque, légumes le midi et soupe le soir. Encore des habitudes.
Soyons clair, il ne s’agit pas de dire que telle ou telle habitude est préférable. Juste de montrer que les habitudes prises conditionnent notre quotidien. Ce conditionnement, est-on libre d’en sortir facilement ?
Une culture
Ces habitudes, on les retrouve aussi culturellement.
Petit déjeuner sucré en France, salé au Royaume Uni. Repas pris sur le pouce le midi en Allemagne, bien plus copieux et à table en France…
Les escargots français, et les insectes en Afrique…
Autant d’habitudes (voir même de clichés parfois), qui nous rattachent à une culture, qui participent également à la construction de notre identité.
Encore une fois, il ne s’agit pas de remettre en cause ces faits culturels, mais juste de pointer du doigt le conditionnement que ces habitudes culturelles peuvent engendrer.
Des émotions
Un autre énorme pan de ce qui nous amène à grignoter ou à manger tel ou tel aliment, ce sont les émotions ressenties.
Qui ne s’est jamais jeter sur un paquet de gâteaux ou une tablette de chocolat après un chagrin ou une colère. Pour d’autres, ce sera la pleine assiette de pâte ou de riz pour combler un vide, pour « se remplir » là où il manque quelque chose.
Dans ces moments là, ce sont rarement les carottes râpées ou les haricots verts qui nous font envie. Notre cerveau réclame du sucre, histoire d’aller activer les circuits de la récompense et du bien-être dans notre tête… un effet bien éphémère…
Bref, quand nous mangeons nos émotions, nous ne sommes plus libres de ce que nous mettons dans notre bouche. Nous ne sommes plus libres de nos émotions.
Là encore, il ne s’agit pas de ne plus ressentir, mais d’être capable de ressentir fortement ces émotions, et de revenir au centre… de nous recentrer, pour être prêt à vivre librement d’autres émotions, et de les accepter, pour ne plus les combattre.
Des croyances
Petit déjeuner de roi, déjeuner de prince et diner de pauvre.
Si je ne déjeune pas, je ne tiendrai pas la matinée.
Ne jamais sauter de repas, sinon ça fait grossir.
Je ne mange pas d’œufs, car j’ai trop de cholestérol.
Etc.
Je pourrai continuer ainsi presque indéfiniment. Et je suis quasiment sure que vous avez déjà entendu au moins l’une de ces phrases.
Pourtant, ce ne sont que des croyances. Oui, des croyances. Portées par les médias, la tradition, des lobbys ou votre grand-mère, peu importe. Des croyances qui ne reposent en réalité sur rien de concret, mais qu’il est facile aujourd’hui de faire siennes. Ces croyances, elles parlent à votre tête, pas à votre corps. Et c’est bien là l’une des clés pour s’en libérer, je vais y revenir.
Être conscient de l’impact de ces habitudes, cultures, émotions et croyances sur notre assiette est-il suffisant ?
Non, mais c’est une 1ère étape indispensable vers la liberté de manger.
Reste encore à se défaire de ses habitudes et de ses croyances, et à répondre différemment à nos émotions, notre fatigue ou notre ennui…
« L’être humain n’est pas complètement conditionné ; il a le choix d’accepter les conditions qui l’entourent ou de s’y opposer. Autrement dit, il ne fait pas qu’exister, mais il façonne lui-même sa vie à chaque moment. » (Viktor E. Frankl)
Vers une liberté de manger ?
Évidemment, cet article n’a pas pour vocation de vous libérer, à sa seule lecture, de toutes vos habitudes, émotions ou croyances. Et a-t-on besoin de s’en libérer ?
Je souhaite surtout vous amener à vous questionner sur vos déclencheurs personnels. Qu’est-ce qui fait que vous mangez cet aliment, maintenant, dans ces conditions et en telle quantité ? Il s’agit d’avantages de remettre un peu de conscience dans ces automatismes, pour progressivement passer de la ré-action à la pro-action.
Remettre régulièrement en question ses habitudes
3 étapes pour cela :
- Les identifier
- Les questionner
- Être libre de les modifier
Faites l’exercice sur une journée. Programmez une journée dans la semaine à venir, où vous prévoyez de questionner vos habitudes alimentaires.
Pourquoi prenez-vous ce petit-déjeuner ? Par habitude (c’est le même depuis des années, et vous ne vous êtes jamais poser la question de faire autrement) ? Par envie ? Parce que vous avez vraiment faim de ce qui le constitue (ce pain, ces céréales… ) ?
A midi, pourquoi allez-vous manger ? Parce que c’est l’heure ou parce que vous avez faim ? Pourquoi choisissez-vous ces aliments là en particulier ?
Idem au goûter ou lors du grignotage si cela vous concerne. Idem au dîner.
Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. L’exercice proposé n’a que pour but de vous montrer le conditionnement dans lequel nous mangeons.
C’est à vous ensuite de choisir, en conscience, de conserver certaines de ces habitudes, ou de les modifier, pour peu à peu prendre de nouvelles habitudes qui vous conviendront mieux, maintenant.
L’idée, c’est donc de faire évoluer ses habitudes, selon ses besoins du moment.
Et si finalement, vous preniez l’habitude d’écouter votre corps ?
Vivre ses émotions autrement
Si vous mangez vos émotions, un premier travail consiste à trouver d’autres stratégies pour y faire face.
De nombreuses techniques efficaces existent en TCC (thérapies cognitives et comportementales), en hypnothérapie ou en sophrologie. Faites vous aider si besoin.
Mais substituer une stratégie (manger ses émotions) par une autre (respirer, compenser autrement, image mentale…) peut n’être qu’une première étape vers une vraie libération. Ne serait-il pas juste merveilleux d’être capable de vivre ses émotions, pleinement et sans crainte, en les accueillant et les laissant vivre, pour qu’elles puissent justement plus facilement passer leur chemin… et laisser la place à la suivante ? C’est là, la véritable liberté émotionnelle.
Une émotion n’est qu’une interprétation à une situation. C’est la couleur que l’on donne à un évènement, tandis que l’on porte des lunettes colorées.
Un même évènement peut déclencher des émotions différentes chez ceux qui le vivent. Pourquoi ? Parce qu’elles ne portent pas les mêmes lunettes (histoire de vie, héritage génétique, environnement physique, social et culturel…).
Il nous appartient alors de travailler et de modifier si besoin les lunettes que l’on porte (en psychothérapie si besoin, par des lectures, par la méditation…), en identifiant ses propres déclencheurs (qu’est-ce qui nous a réellement mis en colère ? ou rendu triste ? Pourquoi ?) pour ensuite être capable de les relativiser.
C’est par ces efforts que l’on peut réellement se libérer de ses émotions.
Éradiquer ses croyances
Contrairement aux habitudes et aux émotions, les croyances, elles, ont besoin d’être éradiquées. (Je ne parle évidemment pas des croyances spirituelles qui n’ont rien à voir ici…). Ces croyances alimentaires, souvent limitantes, restreignant considérablement votre liberté de manger. A moins que vous ayez conscience qu’il s’agit de croyances, et que vous avez fait le choix d’y adhérer…
Dans le cas contraire, lever des croyances limitantes nécessite d’être d’abord correctement informé. C’est tout l’enjeu d’une information nutritionnelle de qualité, objective et non partisane. C’est ce genre d’information que je m’efforce de vous donner dans ces pages, sans pour autant être parfaite bien sûr.
Certains me rétorqueront que la science aussi n’est que croyance. Et que finalement, la science n’avance qu’en réfutant ce qu’elle tenait pour vrai auparavant. De plus, les lobbys aussi sont très présents dans le milieu scientifique. Je suis évidemment d’accord avec ces deux derniers points ! Mais il n’en reste pas moins que les études bien menées reposent sur un certain nombre de critères objectifs (dans la mesure des connaissances actuelles) et de techniques éprouvées auxquels j’ai choisi librement d’accorder ma confiance !
Se mettre à l’écoute de son corps
Plus important encore, il me semble fondamental de revenir là où tout commence en réalité : au fond de nos tripes ! Et d’apprendre à ré-écouter ce ventre mal-aimé.
Ai-je vraiment faim alors que je m’apprête à manger ? Ou est-ce plutôt une envie de manger, parce que je m’ennuie, que je suis fatigué.e ou que j’ai envie de faire une pause ?
Et si c’est une vraie faim, ce besoin sera-t’il comblé par 3 bouchées ou par une assiette entière ?
Ai-je faim pour une saucisse ou pour de l’ananas ? Pour un cassoulet ou un ratatouille ?
Car la faim est spécifique. Oui, on peut ne plus avoir faim du plat, mais avoir faim de dessert… Car le corps a assez reçu de protéines et de fibres (« fini ton steak et tes haricots verts ») mais par encore assez de douceurs… (dédicace spécial parents !)
Écouter sa faim, c’est aussi écouter sa satiété. Plus difficile à appréhender, car cela fait souvent bien longtemps que l’on s’est coupé de ses sensations corporelles et alimentaires. Lorsque les signaux de faim ont disparu et que l’on se sent bien, il est temps d’arrêter de manger… et d’attendre d’avoir à nouveau faim pour manger. Même si l’assiette n’est pas terminée, même si il reste encore du fromage ou du dessert.
Retrouver la satiété nécessite aussi de prendre le temps de manger. De s’assoir à table et de déguster. Pour cela, il suffit de se concentrer sur ses sensations et son ressenti, en faisant appel à tous ses sens.
Se mettre à l’écoute de son corps est sans doute l’habitude la plus profitable que vous pourrez prendre en terme d’alimentation, étant entendu que vous aurez aussi fait un travail sur vos émotions, histoire de ne pas les manger à chaque fois (de temps en temps, on peut !).
Et ainsi, petit à petit, vous retrouverez un corps physiologiquement auto-régulé, et la liberté de manger !
En guise de conclusion
« Cependant, la liberté n’est pas tout. Elle ne représente en fait que l’aspect négatif d’un phénomène global dont l’aspect positif est la responsabilité. […] La responsabilité et la liberté sont comme les deux faces d’une même médaille : aussi importantes l’une que l’autre. » (Viktor E. Frankl)
En retrouvant la liberté de manger, on acquiert aussi la responsabilité de ce que nous mangeons. Évidemment, responsabilité n’est pas culpabilité. En devenant libre de ce que nous mangeons, en choisissant librement le contenu de notre assiette, nous devenons responsable de nos choix…
Merci d’avoir lu ces quelques lignes qui ne sont que le fruit de ma réflexion et non une vérité assénée. J’espère qu’elles vous auront permis à vous aussi de vous interroger sur votre vraie liberté de choix et sur ces conditionnements qui très souvent nous emprisonnent sans que nous nous en rendions compte.
Et vous, avez-vous identifiez des habitudes alimentaires ? Ou des émotions que vous mangiez ? N’hésitez pas à en témoigner en commentaires, cela pourrait aider d’autres personnes.
Ouvrages cités :
- Stephen R. Covey. Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent. 2005.
- Viktor E. Frankl. Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie. 1959.
Magnifique article sur la liberté qui tombe à point, moi qui suis en train de me poser de multiples questions sur mon alimentation.
En effet, nouvelle vie dans un nouveau pays, c’est une bonne opportunité pour remettre les choses en perspective. Et plutôt que de suivre les tendances, je me suis demandée comment faire pour revoir mes habitudes alimentaires.
Car, déjà par goût, je ne mangeais pas forcément de viande, et j’ai toujours eu horreur du lait. Devenir végétarienne ? vegan ?
Tu as raison, tout cela est une question de liberté ! Je suis mon libre arbitre et je choisis ce qui me convient.
Alors merci pour tes bons conseils qui me permettent de commencer sereinement et sans pression, en me poser les bonnes questions 🙂
Et c’est bien vrai, les émotions ont aussi un rôle à jouer, je vais arrêter de combattre les miennes et les accepter.
Un grand merci Marine pour ta participation et pour ce que ta réflexion m’a apportée !
Bonjour Sandra,
Merci pour ton commentaire.
En effet, il est important d’apprendre à s’écouter, et d’oser se détacher des on-dit…
Bonne installation dans ta nouvelle vie, et dans ta nouvelle alimentation, saine et heureuse. La viande et le lait ne sont pas une nécessité, comme il n’est pas non plus obligatoire de devenir végan. Tout est une question de choix personnel (et de bonnes informations aussi !).
J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire cette article un peu différent de ceux que je fais d’habitude…
J’en ai reçu beaucoup de retours positifs par mail ! Merci !
Je pense en écrire d’autres du même genre dans l’avenir, du coup…