sucre
Nutrition, Sciences et Santé (NxS Santé)

Le sucre : la grande invasion !

« That Sugar Land », « Supersize Me » et bien d’autres… les films, récits, témoignages, mais aussi études scientifiques s’emballent sur l’importance que revêt le sucre et les glucides dans nos sociétés occidentales. Il vient remplacer les graisses dans les produits allégés (les fameux 0%), se retrouve partout, et surtout là où on ne l’attend pas, dans les linéaires des supermarchés… On parle de plus en plus d’addictions et de sevrage du sucre.

Alors qu’en est-il vraiment ?

Voici le point de vue argumenté de Delphine Dugast, naturopathe, qui me fait le plaisir d’introduire ici la grande problématique du sucre, sujet de son mémoire de fin de formation en naturopathie.


Vers une conscience collective et individuelle

A l’échelle nationale…

C’est en septembre 2018 que la commission d’enquête gouvernementale a rendu son rapport [1] sur l’alimentation industrielle et ses préconisations sur les limitations d’additifs et autres ingrédients incorporés aux recettes des plats cuisinés (proposition de passer de 338 à 48 autorisés d’ici 2025 !). C’est également tout récemment que la revue « 60 millions de consommateurs » a fait paraitre un numéro spécial sur « ces aliments qui nous empoisonnent” (“pesticides, additifs, sucres cachés…”) [2]. Il semble donc bien qu’une conscience collective et individuelle émerge très nettement sur la qualité de ce que l’on met dans son assiette.

D’un point de vue politique, il s’agit même d’un enjeu de santé publique. D’après l’INSERM [3], tandis que l’espérance de vie théorique moyenne a augmenté, le nombre moyen d’années de vie passées en bonne santé pour les personnes de 65 ans stagne. Les français vivent donc plus longtemps mais également plus longtemps en mauvaise santé.

Cette même commission d’enquête reconnaît que la mauvaise alimentation est une des principales causes d’une épidémie mondiale de maladies chroniques : “une mauvaise alimentation rend malade, voire tue.” [1].

… et internationale

Depuis 2013, l’OMS a proposé son plan d’action mondial 2013-2020 pour la lutte contre les “maladies non transmissibles”. Objectif affiché : tenter notamment d’arrêter l’augmentation du diabète et de l’obésité [4]. Lors de la conférence internationale sur la nutrition (CIN2), co-organisée par la FAO et l’OMS en novembre 2014, ce sont 170 pays qui se sont engagés à mener un cadre d’action dans ce sens.

Voilà une bonne base de départ pour sensibiliser plus largement au lien entre ce qu’on mange et une bonne santé. C’est sur cette base que se fonde les premiers conseils d’un Naturopathe.

 

Un aliment dans la ligne de mire : le sucre

Parmi tous les additifs présents dans l’industrie agro-alimentaire, j’ai souhaité faire un focus tout particulier sur le sucre.

Celui-ci est omniprésent dans nos rayons de supermarchés, dans les produits transformés et les boissons (même le ketchup ou la charcuterie…).

Si l’on regarde de près l’étiquette d’un paquet de gâteaux, on sera bien étonné de voir excéder les 10 ingrédients, avec possiblement des noms peu familiers comme sirop de glucose, sucre inverti, erythrytol, maltose, … Tous ces noms appartiennent à la grande famille des sucres, et plus globalement celle des glucides.

Ce sujet a été l’objet de mon mémoire de fin d’études de Naturopathe. Il tente de mettre de la lumière sur ces différents glucides et de comprendre comment le corps les digère et les utilise, dans le but de faire le lien entre les dysfonctions de notre organisme et l’excès de sucre.

Une consommation galopante

Car le constat est clair : nous mangeons trop de sucre.

Sa consommation dans le monde a augmenté de 46 % au cours des 30 dernières années.

Aux États-Unis, elle est de 165 g par jour et par personne, soit 60 kg par an et par personne! Le sucre représente ainsi 20 à 25% de l’ensemble des calories consommées [5].

D’après des enquêtes alimentaires nationales (CREDOC, 2000, 2010) [7], la consommation moyenne de glucides simples en France s’élève à 94 g par jour, adulte comme enfant, soit 35 kg/an. De nombreux enfants consomment donc chaque année l’équivalent de leur poids, ou d’avantage, en sucre ajouté. Et ce n’est qu’une moyenne. Cela veut dire que certains consomment potentiellement bien plus.

Pour quelles recommandations ?

Cette consommation dépasse a minima les recommandations officielles :

  • A l’heure actuelle, l’OMS recommande un apport maximum de sucres libres* égal à 10% de la ration calorique. Et encore, en mars 2015, il a même été question de réduire ce chiffre à 5% ! Même si l’OMS considère en effet qu’il est probable que cette réduction apporte des améliorations, ce chiffre de 5% restera sur “la réserve” tant que l’OMS n’aura pas suffisamment d’études jugées fiables [8].
  • En France, l’ANSES** a fixé une limite à 100g par jour de sucres totaux (hors lactose), c’est à dire tous sucres confondus (sucres ajoutés et sucres naturellement présents, comme dans les fruits ou compotes sans sucre ajouté).

Aux Etats-Unis, l’USDA (département de l’Agriculture) s’appuie sur les recommandations officielles de l’OMS mais conseille également un apport très réduit de sucre pour les enfants et distingue même des limites par tranches d’âge. Ces conseils sont basés sur des observations cliniques de différents pédiatres alertes [9] :

Age de l’enfant Maximum de sucres ajoutés /j
Enfants de 2 à 3 ans 67 calories

16g

Enfants de 4 à 8 ans 60 calories

15g

Garçons de 9 à 13 ans 80 calories

20g

Garçons de 14 à 18 ans 132 calories

33g

Filles de 9 à 13 ans 60 calories

15g

Filles de 14 à 18 ans 80 calories

20g

Tableau – Recommandation de consommation maximale quotidienne de sucre ajouté pour nos enfants (d’après l’USDA)

Or, cette consommation accrue et majeure de sucre n’est pas sans conséquences pour notre santé !

 

L’excès de sucre à l’origine d’une inflammation chronique

Pour un Naturopathe, le conseil à suivre ces chiffres très bas n’est pas du luxe.

En effet, l’excès de sucre va bien au-delà des symptômes comme la carie ou l’obésité. Il crée des troubles plus ou moins graves de retour à l’équilibre homéostasique, empêchant notre potentiel d’auto-guérison, pour laquelle nous sommes pourtant tous programmés à la naissance.

Le point commun à tous ses dérèglements en lien avec l’excès de sucre est l’inflammation, que l’on retrouve dans :

Le dérèglement de la flore intestinale ou dysbiose

Le microbiote raffole bien évidemment de sucre, comme nos propres cellules. Or, la surabondance de sucre favorise certaines espèces, délétères, au détriment des « bonnes ». Une flore déréglée, c’est une agression permanente de la muqueuse et des tissus, mais aussi une carence en micronutriments, une immunité affaiblie, une perturbation de nos sécrétions hormonales.

On n’imagine pas à quel point notre microbiote a une influence puissante sur nos pensées, nos goûts alimentaires, nos envies, notre humeur, et même notre caractère et tempérament.

Les complications liées à une hyperglycémie chronique

Le sucre en excès dans le sang est toxique car, suivant la réaction de Maillard, il se fixe spontanément sur des protéines (telles que l’hémoglobine, les LDL, etc…). Cela modifie ainsi leur structure, ce qui peut conduire, au mieux, à une baisse de la performance de leur fonction, au pire à leur inhibition totale.

Le Dr Perlmutter affirme dans son livre « Ces glucides qui menacent notre cerveau » [10], que contrairement aux idées reçues pendant plusieurs décennies, les maladies coronariennes ne sont pas favorisées par le cholestérol ou le LDL. C’est le LDL oxydé qu’il met en cause, dont l’excès de sucre dans le sang serait une des causes d’oxydation et de production de radicaux libres.

Ainsi, dans l’athérosclérose, l’accumulation de cholestérol sur la paroi des artères pourrait être due à une erreur de repliement de la protéine LDL.

L’alimentation des cellules cancéreuses

Ce sont en effet des cellules dont la “respiration” mitochondriale dysfonctionne. Leur rentabilité énergétique est très faible. Autrement dit, elles ont besoin de beaucoup de carburant (glucose) pour un faible rendement.

Avec un excès de sucre, elles risquent donc de continuer à être partiellement nourries et entretenues. Le sucre entretient et nourrit le cancer.

Le dysfonctionnement hormonal insuline / leptine

Lorsque les cellules sont continuellement exposées à des taux élevés de sucre, et donc à un taux élevé d’insuline (hormone sécrétée par le pancréas qui régule le taux de glucose dans le sang), elles risquent de se “désensibiliser” à l’insuline. Il en résulte ce que l’on appelle une insulino-résistance.

L’organisme est alors moins performant à réguler la glycémie, qui se trouve continuellement trop élevée (et donc toxique, comme vu précédemment), tandis que l’insulinémie augmente (taux d’insuline dans le sang).

Ceci a pour effet de dérégler une hormone importante dans la régulation de la faim : la leptine. L’excès d’insulinémie inhibe le fonctionnement de la leptine : le cerveau se retrouve à crier famine et incite la personne à une prise alimentaire excédentaire alors que les tissus adipeux sont surabondants.Autrement dit, le sucre appelle le sucre !

Obésité, syndrome métabolique sont les suites classiques de cet engrenage, avec tous les risques de complications associés, ainsi qu’un surmenage du foie et du pancréas assuré….

 

Un problème de dépendance

Non seulement un régime hyperglucidique crée un dérèglement inflammatoire chronique, mais en plus il serait impliqué dans un cercle vicieux de dépendance. La prise de sucre est associée au plaisir dans la mesure où il déclenche une sécrétion de dopamine dans le circuit cérébral primaire de la récompense, qui perd son auto-régulation lorsque la dose de sucre devient chroniquement excédentaire [5]. L’arrêt de sucre peut alors relever d’un réel sevrage pour les adultes (cf le film That Sugar Film [11]) comme pour les jeunes enfants [9].

 

Pas à pas vers un régime approprié

On comprend que l’excès de sucre devient problématique dans une société où l’opulence des rayons de supermarchés assure pléthore de produits transformés sucrés, que nous sommes programmés à aimer.

Prendre du recul sur sa façon de s’alimenter, retrouver du bon sens dans son alimentation et son hygiène de vie globale, expérimenter du nouveau, emprunt de traditionnel et de local, baisser les calories tout en augmentant la qualité nutritive… Bref mettre de la conscience dans ce qu’on mange, s’informer, prendre le temps de cuisiner. De beaux défis et de belles résolutions pour 2019 !

 

* sucres libres : sucres ajoutés et sucres présents dans le miel, les sirops et les jus de

fruits.

**ANSES : Agence Nationale de Sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’Environnement et du travail

  

Sources :

  1. Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence des pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance. Enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 28/09/2018. N° 1266. [Consulté le 22 janvier 2019]. Disponible à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-enq/r1266-tI.asp
  2. METZELARD Sylvie, 2018 [rédactrice en chef]. 60 millions de consommateurs. Hors-série n°125S. Ces aliments qui nous empoisonnent : pesticides, additifs, sucres cachés…. Comment les repérer. Mai 2018
  3. ROBINE Jean-Marie, 2013. Espérance de vie en bonne santé : dernières tendances. Presse INSERM [en ligne]. Avril 2013. Information presse. [Consulté le 22 janvier 2019]. Disponible à l’adresse : https://presse.inserm.fr/esperance-de-vie-en-bonne-sante-dernieres-tendances/7858/
  4. OMS, 2013. Projet de plan d’action pour la lutte contre les maladies non transmissibles (2013 – 2020). OMS Conseil exécutif. Janvier 2013. EB132/7.
  5. LUSTIG Robert, 2017. Sucre, l’amère vérité : comment le sucre et les aliments industriels nous rendent gros et malades. Editions Thierry Souccar. 2017
  6. CREDOC, 2000. LOISEL J-P, COUVREUR A, SIMONET C. Elaboration d’une table de composition nutritionnelle des aliments vecteurs de glucides simples. Cahier de recherche n°154. Décembre 2000
  7. CREDOC, 2011. MATHE T, FRANCOU A, COLIN J, HEBEL P. Comparaison des modèles alimentaires français et états-uniens. Cahier de recherche n° 283. Décembre 2011
  8. LINDMEIER C., LAWE DAVIES O., 2015. Communiqué de presse de l’OMS. L’OMS appelle les pays à réduire l’apport en sucres chez l’adulte et l’enfant. Mars 2015. . [Consulté le 22 janvier 2019]. Disponible à l’adresse : https://www.who.int/mediacentre/news/releases/2015/sugar-guideline/fr/]
  9. TEITELBAUM Jacob et KENNEDY Deborah, 2014. Ils mangent trop de sucre : un programme pour limiter l’apport en sucre et préserver la santé de nos enfants. Hachette Livre (Marabout family). 2014
  10. PERLMUTTER David, 2016. Ces glucides qui menacent notre cerveau : pourquoi et comment limiter gluten, sucres et glucides raffinés. Hachette Livre (Marabout). 2016
  11. GAMEAU Damon [réalisateur], 2014 (en Australie). That Sugar Film (Sugarland, en France). [Documentaire]. Australie : Madman Production Company. 1h42.

 


Si vous souhaitez en savoir plus sur le sucre et ses dangers, et comment vous en libérer, et/ou consulter Delphine, voici ses coordonnées :

Delphine Dugast
chef-lieu 73190 CURIENNE
07 67 12 62 07

 

Photo by rawpixel on Unsplash

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.