Si ce n’est déjà fait, je vous invite pour commencer à aller lire l’article : “un microbiote intestinal sain, qu’est-ce que c’est ?”. Car pour parler d’une problématique, la dysbiose en l’occurrence, il est essentiel de comprendre l’état “normal” ou sain…
Pour résumé, un microbiote intestinal en bonne santé est une communauté microbienne diversifiée dominée par des espèces considérées comme bénéfiques pour la santé. Or, la santé de notre microbiote est indispensable à la nôtre ! C’est pourquoi la dysbiose, autrement dit la perturbation de ce microbiote via le déséquilibre des espèces en présence, conduit inévitablement, directement ou non, à nombre de pathologies contemporaines.
Prendre soin de sa santé, ou la retrouver lorsqu’elle fait défaut, passe donc obligatoirement par un microbiote équilibré. Car seul un microbiote intestinal sain peut garantir une immunité efficace, la modulation de l’inflammation locale et la qualité d’une paroi intestinale intègre. Se prémunir de la dysbiose demande donc de connaitre les facteurs qui la créent… pour mieux les éviter !
Alors, quels sont les facteurs qui créent la dysbiose ?
De plus en plus d’études montrent que le stress module la structure et l’activité de la communauté du microbiote intestinal. Il apparait d’ailleurs comme l’un des facteurs principaux à l’origine de la dysbiose.
Le stress et notre santé…
On définit le stress comme une perturbation de notre homéostasie, c’est-à-dire de notre équilibre interne. Ce déséquilibre est dû à des stimuli environnementaux, physiques et/ou psychologiques. C’est ce que l’on appelle les facteurs de stress. Ces facteurs provoquent une réaction de notre organisme. Celui-ci réagit de manière physiologique et comportementale afin de restaurer notre homéostasie.
A l’évocation du stress, la plupart d’entre nous pense au stress psychologique. Vous savez, quand on n’a jamais le temps de faire tout ce que l’on a prévu, qu’il y a encore le dernier dossier à rendre, la machine à faire tourner, le linge à étendre, les bains à donner…
Mais les facteurs de stress sont en réalité bien plus nombreux :
- psychologiques certes,
- mais aussi physiques (état de santé, sédentarité, alimentation surchargée et paradoxalement carencée…)
- et environnementaux (exposition au froid ou à la chaleur, manque de lumière hivernal, pollutions diverses…).
Plutôt que du stress, on devrait donc parler des stress… mais je conserve le terme générique du stress pour simplifier l’écriture… et la lecture de la suite !
Le stress est omniprésent dans la vie quotidienne de nombreux individus. Il l’est d’autant plus dans celle du personnel militaire, qui est exposé à des facteurs de stress souvent extrêmes et combinés. C’est pourquoi ces facteurs de stress et leurs conséquences ont été particulièrement bien étudiés chez les militaires.
Ces études montrent que ces facteurs de stress sont associés à des détériorations nettes de l’état de santé telles que :
- des lésions musculo-squelettiques
- l’inflammation chronique
- des insuffisances nutritionnelles
- des perturbations du système hormonal
- l’immunosuppression
- des infections
- et des déficiences cognitives et psychologiques.
Bien que ces problématiques soient souvent transitoires, elles peuvent également contribuer au développement de pathologies chroniques chez certaines personnes.
Le stress chronique nous rend donc malade. Mais comment ?
De nombreuses études se sont attachées à relier physiologiquement le stress et notre santé. Autrement dit, elles ont cherché à expliquer comment le stress perturbe notre homéostasie. Et de plus en plus d’entre elles pointent, vous l’aurez deviné, vers le microbiote…
Stress et dysbiose
On l’a dit : de plus en plus d’études relient le stress à la dysbiose. Et ses conséquences néfastes sur la santé suggèrent que le microbiote intestinal pourrait être un médiateur sous-estimé des réponses au stress et des séquelles qui lui sont associées.
Et en effet, des études récentes ont commencé à associer les microbes intestinaux et leurs métabolites (les molécules qu’ils produisent) à :
- la porosité intestinale
- l’inflammation
- toute la symptomatologie gastro-intestinale (douleurs, reflux, ballonnements, constipations, diarrhées…)
- et même aux pathologies psychiatriques, en particulier chez le personnel militaire engagé dans de nombreux évènements stressants.
Ainsi, le microbiote intestinal pourrait à la fois répondre à et influencer les réponses au stress lors d’évènements particulièrement stressants.
Et inversement, il y a aussi de plus en plus d’études qui montrent qu’un microbiote sain, diversifié et résilient, contribue à une bonne santé et à de meilleures performances physiques et cognitives.
Regardons maintenant d’un peu plus près les différents types de stress et leurs effets sur le microbiote intestinal… et donc sur notre santé.
Le stress psychologique
Les preuves actuelles indiquent que le stress psychologique induit une myriade d’effets physiologiques qui pourraient influer sur le microbiote intestinal.
… et les lactobacilles
Des études chez l’animal (rats et souris) ont montré des modifications de la composition du microbiote intestinal induites par le stress. Bien que variées, ces modifications incluaient fréquemment une réduction de l’abondance des lactobacilles et une réduction de la diversité des espèces présentes.
Un isolement social de 2h de l’animal suffisait à altérer ainsi la composition de son microbiote. L’application de stress chroniques variés de manière non prévisibles pour les animaux, pendant 3 à 5 semaines, menaient également à une réduction significative des lactobacilles, ainsi qu’à des comportements dépressifs, anxieux, voire même désespérés. Dans l’une de ces études, l’administration de probiotiques permit ensuite de restaurer les lactobacilles et d’améliorer les comportements dépressifs.
Cet effet sur les lactobacilles présente un intérêt particulier car il a été démontré que des souches de ce genre :
- renforçaient la fonction immunitaire,
- dissuadaient la colonisation par des agents pathogènes
- et modulaient favorablement la physiologie de l’intestin grêle.
Les implications fonctionnelles pour l’hôte ne sont pas claires. Mais elles peuvent inclure des altérations psychologiques dues en partie à une modification du métabolisme de la sérotonine et à une sensibilité accrue aux facteurs de stress ultérieurs. Autrement dit, stress, dysbiose et pathologies créent un cercle vicieux qu’il est important de rompre.
… et l’axe intestin-cerveau
Les effets d’un stress psychologique sur le microbiote humain sont encore largement sous-explorés aujourd’hui. Néanmoins, il est évident maintenant que la relation entre le cerveau, l’intestin et le microbiote, connu sous le nom d’axe microbiote-intestin-cerveau, est bidirectionnelle.
La dysbiose résultant d’un stress psychologique conduit ainsi à une modification de la cognition et du comportement.
En effet, on sait clairement aujourd’hui que le microbiote intestinal module :
- l’intégrité de la barrière intestinale
- l’inflammation et la fonction immunitaire
- et synthétise ou stimule la sécrétion endogène d’une myriade de composés, notamment
- des hormones
- des neurotransmetteurs (par exemple, la sérotonine, la dopamine, ou l’histamine)
- et des acides gras à chaine courte.
On pense donc que ces actions modifient l’activité du système nerveux central, c’est-à-dire pour faire simple de notre encéphale.
Les modalités de ces actions sont encore à l’étude, mais semblent impliquer la combinaison de signaux entre :
- le système nerveux entérique (le “système nerveux de l’intestin”)
- les nerfs rachidiens (qui partent de la colonne vertébrale)
- et les nerfs vagaux (voies principales du système nerveux parasympathique, celui de la relaxation et de la récupération corporelle).
Le microbiote pourrait également agir directement sur le cerveau après le passage de ces sécrétions dans la circulation sanguine et à travers la barrière hémato-encéphalique.
La variation des rythmes
… et la santé
Les rythmes circadiens (sur 24h) sont principalement contrôlés par une horloge interne, centrale (dans le cerveau). Cette horloge module l’expression des gènes dans les cellules hôtes. La perturbation de ces rythmes internes peut être provoquée par des facteurs qui perturbent les cycles jour-nuit tels que le travail posté, le travail en décalé et les horaires sociaux.
Au niveau intestinal, il a été démontré que des horaires de repas aléatoires et la composition du contenu de l’assiette perturbent également les rythmes circadiens.
Les effets sur la santé de ces perturbations sont de plus en plus reconnus. Ils incluent des impacts à court et à long terme tels que, une fois encore :
- une augmentation de la perméabilité de l’intestin grêle
- des réponses immunitaires altérées
- une susceptibilité accrue à l’inflammation de l’épithélium intestinal
- et de multiples maladies chroniques associées à l’inflammation, notamment le syndrome du côlon irritable et les maladies inflammatoires de l’intestin.
Or de plus en plus d’études suggèrent que ces effets pourraient être médiés en partie par le microbiote intestinal.
… et le microbiote
Chez la souris, le génome et la composition du microbiote intestinal présentent des oscillations diurnes qui semblent être clairement associés à des cycles alimentation/jeûne et, également, à la composition de l’alimentation.
La perturbation de cette rythmicité peut avoir des effets néfastes sur le microbiote intestinal. Il en résulte une altération des échanges hôte-microbe ayant, in fine, un impact sur l’expression du gène de l’hôte et sur sa physiologie.
Cependant, une fois encore, la transposition à l’humain reste délicate. En effet, les études manquent pour relier des variations de rythmes à une perturbation du microbiote chez l’homme. Récemment cependant, une variation de la composition du microbiote a pu être observée en fonction de l’heure de la journée…
Les facteurs de stress environnementaux
Les études portant sur les facteurs de stress environnementaux et leurs impacts sur le microbiote sont globalement relativement rares et souvent menées sur des rongeurs. On observe néanmoins que tous ces facteurs semblent entrainer une modification du microbiote. En revanche, leurs effets sur la santé, positifs ou négatifs, varient.
Froid, chaleur et altitude
Par exemple, deux études suggèrent que tout effet d’exposition au froid sur le microbiote intestinal humain pourrait être bénéfique en favorisant la tolérance au froid.
Quelques études chez l’homme indiquent que les expéditions en haute altitude sont associées à un risque accru de dysbiose. En particulier, on observe une augmentation de l’abondance des espèces microbiennes pro-inflammatoires, et tout leur cortège de conséquences délétères pour la santé.
En revanche, les effets néfastes de la chaleur sur la barrière intestinale ont été largement examinés dans divers modèles humains et animaux. Une exposition aussi courte que 4 à 6 h à la chaleur peut avoir des effets délétères graves sur l’intégrité de la paroi intestinale, endommageant sa structure et augmentant sa porosité, menant parfois à l’inflammation et la septicémie.
Polluants et toxiques
De même, une base de données croissante indique que les substances toxiques et les polluants présents dans l’environnement peuvent induire des modifications de :
- la composition du microbiote et de son activité métabolique, menant à la dysbiose,
- la fonction gastro-intestinale
- et, dans certains cas, l’inflammation de la muqueuse intestinale.
Cependant, une des limites de ces études est que, généralement, de fortes doses de composés toxiques sont utilisées pendant des périodes relativement courtes chez les petits animaux. Or, la plupart des expositions humaines à ces composés se font à des doses plus faibles sur des périodes plus longues. Il est donc difficile de déduire les effets réels qu’ont ces composés toxiques sur le microbiote humain.
Il n’en reste pas moins que le microbiote de l’hôte représente la première interface entre un produit chimique exogène et la maladie clinique induite par un toxique.
De plus, le microbiote est non seulement sujet à des effets toxiques, mais les substances toxiques sont elles-mêmes susceptibles d’être modifiées par le microbiote…
Environnement bruyant
Aucune étude ne s’est penché sur les effets du bruit sur le microbiote humain. Mais une étude récente sur des rongeurs a révélé qu’une exposition à des niveaux de bruit faibles ou élevés pendant 4 h/jour sur 30 jours entraînait une altération de la composition du microbiote, une augmentation de la perméabilité intestinale et de la barrière hémato-encéphalique, une inflammation chronique et des altérations cognitives de type Alzheimer !
Au-delà de l’impact d’une exposition aux bruits forts et répétés sur les capacités d’audition, il semble donc plus que nécessaire de s’en protéger si l’on souhaite également préserver sa santé !
L’activité physique
Les réponses physiologiques à l’activité physique sont très variables. Elles se situent sur un continuum allant de bénéfiques à potentiellement nocives, en fonction de la nouveauté, de la fréquence, de l’intensité et de la durée de l’activité.
Le nombre croissant d’études sur les rongeurs soutient le fait que l’activité physique modifie la composition et le fonctionnement du microbiote intestinal. Mais l’effet de l’activité physique sur le microbiote intestinal humain reste largement inexploré.
Très vraisemblablement, la pratique d’une activité régulière, d’intensité modérée, entrecoupée de temps de repos suffisants, s’accompagne de modifications physiologiques positives pour la santé.
Les traitements antibiotiques
Très généralement, les antibiotiques induisent un stress pour le microbiote intestinal qui conduit :
- à une réduction de la diversité du microbiote intestinal
- et à une susceptibilité accrue à la colonisation par des agents pathogènes.
Cependant, il est bien établi que des antibiotiques distincts affectent différemment le microbiote intestinal, ce qui suggère in fine des conséquences différentes sur la santé de l’hôte.
Les preuves suggèrent que certaines perturbations de la composition et du fonctionnement du microbiote intestinal induites par les antibiotiques peuvent persister pendant des mois, voire des années. De plus, des expositions répétées aux antibiotiques peuvent avoir des effets cumulatifs. Les conséquences potentielles incluent :
- la perte des fonctions principales du microbiote intestinal,
- des changements dans la disponibilité des ressources et une occupation de niche qui facilitent l’expansion d’agents pathogènes opportunistes,
- et un enrichissement des gènes de résistance aux antibiotiques.
L’alimentation
Évidemment, vous vous en doutez, l’alimentation a un impact majeur sur la santé du microbiote et donc sur la nôtre. De nombreuses études se sont attachées à étudier l’impact de l’alimentation sur la diversité, l’abondance et l’activité du microbiote. Il ne s’agit pas ici de toutes les décrire…
Voici cependant quelques informations intéressantes.
D’abord, qu’il s’agisse de l’abondance des espèces ou de leurs productions, ces deux facteurs réagissent en quelques jours à des changements de régime alimentaire. Ainsi, les effets d’une modification des habitudes alimentaires sont rapidement perceptibles sur le microbiote, que cette modification aille dans le sens d’une alimentation santé ou son contraire…
Ce sont bien sûr les disponibilités en macro et en micronutriments qui favorisent rapidement et directement la présence et le travail de telle ou telle espèce.
Les autres interactions entre régime alimentaire et microbiote sont moins directes. Les apports en nutriments influencent :
- la physiologie gastro-intestinale (temps de transit, pH, perméabilité et morphologie, sécrétion de mucine),
- la sécrétion de composés digestifs (bile, enzymes),
- le comportement alimentaire,
- l’inflammation intestinale et le stress oxydatif,
- ainsi que les fonctions du système immunitaire et du système nerveux de l’hôte.
La restriction alimentaire
Les habitudes alimentaires qui privent le microbiote intestinal des substrats dont il a besoin, en modifiant la disponibilité des éléments nutritifs ou en incluant la consommation de composés créant un environnement inhospitalier dans l’intestin, peuvent constituer un «stress» pour un microbiote intestinal sain et mener à la dysbiose.
Chez les humains en bonne santé, la privation complète de nourriture pendant de longues périodes est rare. Cependant, les interrelations entre la restriction alimentaire et le microbiote intestinal sont de plus en plus étudiées dans le cadre de traitements du surpoids et de l’obésité.
Ainsi, dans une méta-analyse récente de ces études, les régimes amaigrissants étaient associés à :
- une réduction du nombre total des bactéries,
- une réduction de l’abondance des bactéries productrices de butyrate (le butyrate étant positif pour la santé intestinale)
- et à une tendance à une abondance accrue de Lactobacillus, Akkermansia muciniphila et Faecalibacterium prausnitzii, trois genres/espèces de bactéries intestinales aux effets globalement positifs pour la santé.
Soit finalement des effets apparemment contradictoires, certains étant plutôt négatifs (les 2 premiers points) et d’autres positifs (le dernier point).
Il est cependant difficile de discerner les effets de la restriction calorique proprement dite (quantité seule) de ceux liés à une modification (en qualité) du régime alimentaire. Il s’agit vraisemblablement de la combinaison de ces deux facteurs qui a un impact final sur le microbiote intestinal.
La composition alimentaire
Il est évident aujourd’hui que la composition du régime alimentaire, ou alternativement l’insuffisance ou l’excès de certains nutriments, peut nuire au bon fonctionnement du microbiote intestinal.
Les macronutriments : protéines, glucides et lipides
En particulier, de faibles apports en fibres non digestibles peuvent stresser le microbiote intestinal en réduisant la disponibilité des substrats nécessaires et en modifiant de manière défavorable l’environnement du côlon. Ces fibres, je vous le rappelle, constituent la structure des végétaux (feuilles, peau des fruits notamment).
Les protéines fournissent également un substrat (par fermentation) au microbiote intestinal. Les principales espèces protéolytiques (qui digèrent les protéines) de l’intestin humain appartiennent aux genres Bacteroides et Clostridium. Cependant, le besoin en acides aminés et en azote (apportés par les protéines) est omniprésent parmi les microbes intestinaux.
Néanmoins, des études in vitro suggèrent que certains métabolites de la fermentation protéique pourraient être toxiques pour les cellules intestinales et augmenter la perméabilité intestinale. S’ils existaient in vivo, ces effets pourraient également stresser le microbiote intestinal en modulant de manière défavorable la physiologie de l’intestin hôte.
Les effets des lipides sur le microbiote apparaissent moins directs. Ils résultent de la sécrétion de la bile (activée par la consommation de graisses), de la modulation de l’inflammation de l’intestin et de l’intégrité de la barrière intestinale. Les acides biliaires ont des effets antimicrobiens sur certaines bactéries intestinales, mais peuvent également enrichir l’intestin en bactéries capables de les métaboliser…
Les modèles animaux ont systématiquement démontré des changements dans la composition du microbiote intestinal en réponse à des régimes riches en graisses (apport énergétique total égal ou supérieur à 40%). Généralement, mais non exclusivement, ces changements peuvent être considérés comme défavorables :
- diminution de l’intégrité de la barrière intestinale et donc augmentation de la perméabilité gastro-intestinale,
- translocation des endotoxines (passage des toxines intestinales dans le sang)
- dysfonctionnement métabolique
- et induction et maintien de l’obésité.
Cependant, la capacité d’une forte consommation de graisses à stresser le microbiote dépend de la composition en acides gras…. et du manque de fibres associées ! En effet, les régimes riches en matières grasses utilisés dans ces études sont généralement faibles en fibres non digestibles et sont comparés aux régimes riches en végétaux. C’est donc plutôt la combinaison d’un apport élevé en matières grasses et d’un apport faible en fibres, plutôt que les matières grasses seules, qui constitue vraisemblablement le véritable stress sur le microbiote intestinal, l’ampleur du stress étant modulée par les types d’acides gras consommés.
Enfin, une étude a montré que le fait de nourrir les Africains des zones rurales avec un régime «occidental» pauvre en fibres et riche en matières grasses, en lieu et place de leur régime habituel de type «africain» riche en fibres et pauvre en matières grasses, était associé à :
- une réduction des concentrations de butyrate, d’acétate et de propionate (acides gras à chaines courtes nécessaires à une bonne santé intestinale),
- une augmentation des concentrations fécales en acides biliaires (favorisant certaines espèces bactériennes)
- et une inflammation de l’intestin.
Des effets opposés ont été observés chez les Afro-Américains nourris au régime alimentaire africain à haute teneur en fibres et faible en gras, à la place de leur régime alimentaire occidental habituel.
Les micronutriments : vitamines, minéraux, oligo-éléments et antioxydants
Les macronutriments ne sont pas les seuls facteurs du régime alimentaire capables de modifier le microbiote.
Par exemple, de plus en plus d’études indiquent que les polyphénols végétaux modulent favorablement la composition du microbiote intestinal et son activité métabolique.
En outre, toutes les bactéries ont des besoins en micronutriments et sont en concurrence pour l’utilisation des vitamines et des minéraux apportés par l’alimentation. Nombres de vitamines et minéraux jouent également un rôle essentiel dans la santé des entérocytes (les cellules qui bordent l’intestin). Ainsi, qu’il s’agisse de l’intégrité de la barrière intestinale ou du rôle immunitaire du microbiote, des carences ou des excès en micronutriments peuvent avoir un impact indirect sur la santé du microbiote intestinal.
De nombreuses bactéries sont capables de synthétiser diverses vitamines, ce qui pourrait aider à atténuer le «stress» direct de la plupart des carences en vitamines sur le microbiote. En revanche, des apports externes doivent obligatoirement satisfaire les besoins en minéraux.
Le fait que les besoins en minéraux diffèrent d’un groupe de bactéries à l’autre indique que la disponibilité en minéraux peut stresser différemment le microbiote intestinal en sélectionnant des microbes potentiellement nocifs ou en privant les microbes bénéfiques. Par exemple, plusieurs microbes bénéfiques (dont Bifidobacterium) ont généralement de faibles besoins en fer, tandis que la présence accrue de ce minéral renforce la croissance et la virulence de plusieurs microbes pro-inflammatoires (comme Enterobacteriaceae) et pathogènes (telle Salmonella).
La supplémentation en fer par voie orale enrichit finalement le microbiote en espèces pro-inflammatoires et pathogènes, diminue les espèces bénéfiques, augmente l’incidence de diarrhée et/ou augmente les marqueurs d’inflammation. Connaissant déjà son effet pro-oxydant sur l’organisme, on comprend donc pourquoi il est plus que recommandé de réserver la prise de fer en complémentation aux cas avérés de déficit en cet élément.
Cependant, déterminer dans quelle mesure différents macro- et micro-nutriments «stressent» le microbiote intestinal lorsqu’ils sont consommés en excès ou en quantité insuffisante n’est pas simple… notamment parce que nous ne consommons pas les nutriments isolément.
Et les autres facteurs alimentaires…
Les quantités et les proportions de macro et de micronutriments dans le régime alimentaire, ainsi que les facteurs ayant une incidence sur la digestibilité et la biodisponibilité des éléments nutritifs (par exemple, la transformation et la cuisson des aliments, les interactions entre nutriments, la physiologie de l’hôte, la composition du microbiote intestinal) déterminent l’impact ultime du régime alimentaire sur le microbiote intestinal.
Ce n’est donc pas simple !
En outre, des études récentes ont montré que des composants alimentaires non nutritifs tels que l’édulcorant artificiel saccharine ou les émulsifiants carboxyméthylcellulose et polysorbate-80 ont un impact défavorable sur le microbiote intestinal.
Il est donc extrêmement complexe d’expliquer de quelle manière les habitudes alimentaires peuvent mettre en danger un microbiote intestinal sain.
Nous n’en sommes qu’au tout début du voyage au pays des microbes intestinaux…
Figure extraite de Karl et al. (2018). Traductions personnelles !
J’espère que cet article vous aura permis de percevoir un petit peu mieux ce microcosme complexe que nous hébergeons et la multiplicité des interactions entre ce microbiote et notre hygiène de vie (alimentation, émotions et stress, environnement, activités…)… et de comprendre comment les choix que nous faisons tous les jours impactent sur notre santé, via celle de nos bactéries !
A présent, mettons en pratique, et lisez ici comment prendre soin de son microbiote !
Cet article s’inspire largement d’une synthèse de J.P. Karl et de ses collègues, publiée tout récemment, en septembre 2018 (référence ci-dessous).
Si vous avez des questions, des remarques ou des précisions, n’hésitez pas à laisser un commentaire !
Et si cet article vous a plu, n’oubliez pas de le partager.
Sources :
- Cui B. et al. 2018. Effects of chronic noise exposure on the microbiome-gut-brain axis in senescence-accelerated prone mice: implications for Alzheimer’s disease. J. Neuroinflamm. 15:190.
- Kaczmarek J.L. et al. 2017. Time of day and eating behaviors are associated with the composition and function of the human gastrointestinal microbiota. Am. J. Clin. Nutr. 106:1220-1231.
- Karl J.P. et al. 2018. Effects of Psychological, Environmental and Physical Stressors on the Gut Microbiota. Front. Microbiol. 9:2013
- Lambert, G. P. 2008. Intestinal barrier dysfunction, endotoxemia, and gastrointestinal symptoms: the ‘canary in the coal mine’ during exercise-heat stress? Med.Sport Sci. 53:61-73.
- Read M. N. and Holmes A. J. 2017. Towards an integrative understanding of diet-host-gut microbiome interactions. Front. Immunol. 8:538.
- Seganfredo F. B. et al. 2017. Weight-loss interventions and gut microbiota changes in overweight and obese patients: a systematic review. Obes. Rev. 18:832-851.