L’intestin humain renferme un écosystème microbien dynamique et complexe, constitué chez l’adulte d’environ 1 kg de bactéries, soit approximativement le poids du cerveau humain. Si les liens qui unissent ce microbiote à notre système immunitaire sont de plus en plus connus, il est un autre lien dont on entend peu parler… Celui qui unit nos hôtes à nos actions. Car oui, le microbiote influence notre comportement. Mais comment ?
Petit rappel : on ne parle plus aujourd’hui de flore intestinale, mais de microbiote. Bien sûr, au final, c’est la même chose !
Une symbiose fondamentale… pour le cerveau humain
Nous vivons une relation symbiotique avec les microbes intestinaux. Nous leur fournissons le gîte et le couvert, tandis qu’ils nous aident de multiples façons, notamment en :
- digérant des résidus alimentaires complexes,
- synthétisant des vitamines
- inhibant nombres de pathogènes.
Mais ce que nous avons découvert assez récemment, c’est qu’ils sont aussi indispensables au développement optimal de notre cerveau et à son bon fonctionnement. Mieux même, de plus en plus d’études suggèrent que le microbiote influence notre comportement.
La relation microbiote/cerveau est à double sens
Si l’effet psychosomatique (du psychique vers le corps) est bien connu, son opposé l’est moins. L’effet somatopsychique indique une influence de l’état du corps sur le fonctionnement du cerveau. Et cet effet est bien réel ! Il concerne également nos bactéries…
On sait que le stress chronique et qu’un état émotionnel altéré, telle une dépression, peuvent changer la composition du microbiote intestinal. Mais il est aujourd’hui de plus en plus évident que l’interaction entre le microbiote et le cerveau est bien bidirectionnelle.
Autrement dit, le cerveau (nos émotions/stress/choix…) influence notre microbiote ET le microbiote influence notre comportement.
La plupart des études ont été menées sur des modèles animaux (principalement rats et souris). Elles montrent néanmoins que l’altération de la composition et de la fonctionnalité des différentes espèces du microbiote sont associées à des désordres neuropsychiatriques.
Par exemple, chez des rongeurs élevés en l’absence totale de bactéries (intestin aseptisé de naissance), on observe un comportement social altéré. Ces modifications évoquent d’ailleurs fortement des signes autistiques.
La relation microbiote/cerveau fait intervenir nombre de molécules messagères
En l’absence de microbes, la neurochimie dans le cerveau est profondément modifiée. Nous sommes fondamentalement dépendants d’une myriade de composés neuro-actifs produits par ces microbes. Neuro-actifs signifie que ces molécules influencent le fonctionnement de nos neurones, les cellules de notre cerveau. Sérotonine, cortisol, adrénaline, cytokines pro et anti-inflammatoires sont autant de molécules dont la libération ou le métabolisme sont directement influencés par les microbes qui tapissent notre intestin.
Et les facteurs qui déstabilisent notre microbiote sont nombreux
Le régime alimentaire, les médicaments, les maladies, l’activité physique, le stress… sont autant de facteurs capables d’influencer la composition du microbiote. Or, cette altération peut mener à une augmentation de la perméabilité intestinale. Cette hyper-perméabilité altère alors les fonctions de barrière de cette muqueuse. Des molécules qui normalement sont censées rester dans l’intestin peuvent ensuite passer et se retrouver dans la circulation sanguine. Les composés et les métabolites neuro-actifs ont alors accès à des régions du système nerveux qui régulent les réponses cognitives et émotionnelles.
Un microbiote déséquilibré peut profondément déréguler les réponses inflammatoires de l’intestin et de l’organisme et ainsi impacter les fonctions neuropsychologiques. Certaines bactéries peuvent produire des molécules capables de modifier l’expression des gènes et l’inflammation dans le système nerveux central (cerveau et moelle épinière).
Certains chercheurs vont même plus loin et s’interrogent aujourd’hui sur le rôle de nos hôtes dans le développement des interactions sociales complexes au cours de l’évolution. Des études récentes indiquent que ces microbes impactent de façon majeure le fonctionnement cognitif et nos schémas comportementaux fondamentaux. Autrement dit, les bactéries que nous hébergeons modifient nos interactions sociales et notre capacité à gérer un stress chronique délétère !
Aujourd’hui, l’idée d’un axe microbiote-intestin-cerveau est donc bien avérée. Et un microbiote intestinal sain et diversifié joue un rôle fondamental pour la santé de notre cerveau et notre fonctionnement cognitif et émotionnel normal.
Vers des thérapies ciblées ?
D’avantages d’études sur l’homme sont maintenant nécessaires, car on ne peut transposer facilement les résultats obtenus sur les modèles animaux aux comportements humains. Elles permettront notamment une meilleure compréhension des désordres du fonctionnement cognitif et des interactions sociales, tel que l’autisme.
A plus ou moins long terme, on peut imaginer le développement de nouvelles thérapies ciblées pour les désordres d’ordre neurologique.
Et puisque le microbiote influence notre comportement, influençons notre microbiote… par notre hygiène de vie !
Ce qui vient donc finalement confirmer l’approche très naturopathique, où pour soigner le cerveau, on soigne d’abord l’intestin !
Merci d’être arrivé au bout de cet article qui je l’espère vous aura intéressé. Si je n’ai pas répondu à toutes vos questions, n’hésitez pas à les poser en commentaire. J’y répondrai directement ou j’en ferai un prochain article !
Et n’hésitez pas à partager bien sûr !
Sources :
- Dinan T.G., et al. 2015. Collective unconscious: how gut microbes shape human behavior. Journal of Psychiatric Research. 63:1-9.
- Mu C., et al. 2016. Gut microbiota: the brain peacekeeper. Frontiers in Microbiology. Vol. 7, Article 345.
- Yarandi S., et al. 2016. Modulatory effects of gut microbiota on the central nervous system: how gut could play a role in neuropsychiatric health and diseases. Journal of Neurogastroenterology and Motility. 22:201-2012.