Bénéficier d’un bon sommeil est l’unique moyen pour restaurer efficacement nos capacités physiques et intellectuelles. Rappelons également que le cerveau est aussi actif durant le sommeil que durant l’éveil (si ce n’est déjà fait, je vous invite à lire ou à relire le 1er article sur ce sujet).
Or, comme disait le sage à Zarathoustra (Nietzsche),
« ce n’est pas une petite chose que de savoir dormir : il faut savoir veiller tout le jour pour pouvoir bien dormir… »
Et ce sage avait déjà vu juste car les études ont depuis confirmé que ce sont les mécanismes de l’éveil qui produisent tout au long de la journée les médiateurs chimiques responsables du sommeil. Autrement dit, de la qualité de notre éveil (et de son adéquation avec notre physiologie) dépend la qualité de notre sommeil.
Toute substance inhibitrice de l’activité cérébrale (somnifères, alcool, molécules psychoactives…) a donc un effet nocif sur la qualité et l’efficacité du sommeil…
En matière de sommeil, comme de santé, il n’existe donc pas de solution miracle : il nous faut réapprendre une bonne hygiène de vie, et ici en l’occurrence une bonne hygiène du sommeil.
Dans cet article, le dernier de ce dossier consacré au sommeil, je vous propose donc les clés pratiques qui ont fait la preuve scientifique de leur efficacité pour retrouver un sommeil de meilleure qualité.
Dans ces « clés », je terminerai par les aides non médicamenteuses (phytothérapie, compléments…) qui peuvent apporter un petit coup de pouce salutaire et transitoire… Mais qui ne remplaceront jamais tout ce que vous pouvez mettre en place dans votre quotidien pour améliorer votre sommeil.
Retrouver une bonne hygiène pour un bon sommeil
Remettre à l’heure le processus circadien
Le sommeil est régulé par des horloges biologiques et ne se commande pas à volonté. Il est donc inutile de vouloir dormir lorsque l’on n’a pas sommeil.
L’une des clés consiste donc à resynchroniser notre horloge interne avec idéalement le cycle naturel jour/nuit, ou à défaut les horaires sociaux dont on dépend.
Le balancier circadien est mis à l’heure tous les matins par les « donneurs de jour » que sont d’abord la lumière et ensuite tous les autres facteurs éveillants : position debout, chaleur, activités physiques, repas, contacts sociaux, désir et plaisir.
Pratiquer une activité physique en journée par exemple combine différents facteurs : la position debout, la lumière (en cas d’activités à l’extérieur), la chaleur, le mouvement corporel et normalement le plaisir, sauf à choisir une activité qui ne nous convient pas…
Et le cumul de tous ces facteurs permet d’augmenter la température corporelle la journée et de mieux la faire baisser le soir, ce qui induit le sommeil. Évidemment, on évitera en cas de troubles du sommeil de pratiquer une activité échauffante en fin de journée, sous peine de retarder la baisse de la température corporelle et donc l’endormissement.
Ces différents facteurs éveillants, en indiquant l’heure qu’il est à notre corps, permettent ainsi de resynchroniser notre horloge centrale dans l’encéphale (et nos horloges périphériques tissulaires) avec le cycle jour/nuit… à condition d’utiliser ces facteurs à bon escient et au bon moment.
Exposez-vous à la lumière naturelle le matin (ou à défaut une lampe qui reproduit la lumière naturelle, surtout en hiver) et limitez les écrans le soir notamment.
Renforcer le processus homéostatique
L’alternance éveil/sommeil obéit également au processus homéostatique qui impose (ou non) le sommeil en fonction du temps écoulé depuis le dernier réveil. Autrement dit, plus je suis réveillé.e depuis longtemps, plus j’ai envie de dormir !
Deux conséquences pragmatiques en découlent si vous souffrez de troubles du sommeil (retard de phase ou insomnie) :
- Éviter les grasses matinées qui décalent d’autant plus ce balancier homéostatique le soir et garder des horaires de lever réguliers, y compris le week end et pendant les vacances.
- Éviter la sieste qui inhibe quasi totalement la pression de sommeil liée à ce balancier homéostatique (sauf en cas d’urgence : somnolence au volant où elle devient indispensable).
L’hygiène du bon sommeil ou comment l’apprivoiser
Ne jamais forcer le sommeil
La motivation est éveillante !
Seule solution : respecter ses propres rythmes (matin ou soir ?, gros ou petit dormeur ?).
Favoriser les synchronisateurs du sommeil
La lumière est le 1er d’entre eux !
Mais penser aussi à :
- favoriser la baisse de température le soir (chambre fraiche, pas de bain chaud !),
- éviter les repas copieux et protéinés le soir (mais garder les protéines pour le petit déjeuner),
- les excitants (café, tabac, alcool)
- et la lumière vive et/ou bleue des écrans avant de se coucher…
Amplifier les stimuli d’éveil dans la journée
- éviter la sieste,
- activité physique agréable vers 17-19h (pas plus tard !),
- exposition à la lumière naturelle le plus possible et surtout le matin (ou ampoules « lumière du jour », luminothérapie),
- exposition à la chaleur en journée (sauna, hammam, bains chauds),
- rechercher des activités agréables
- et se faire plaisir tous les jours…
Le sport combinant généralement plusieurs de ces facteurs !
Favoriser un environnement adéquat
- chambre sobre,
- qualité du lit (sommier, matelas, oreiller),
- noir total,
- sans bruit,
- pièce fraîche,
- limitée en appareillages électroniques,
- et « endormir » ses pensées (respiration ventrale, relaxation, méditation, musique douce…)
Ressentir les sensations qui précèdent le sommeil et adopter des comportements adaptés
La somnolence est un état agréable qui traduit une pression d’endormissement et qui doit nous inciter à adopter un comportement favorable au sommeil (ne pas rester devant la télévision ou l’ordi !).
Réserver le lit au seul sommeil, ne pas y lire, regarder la télévision… afin d’éviter de renforcer l’association lit/éveil.
S’y coucher et fermer les yeux pendant au moins 15 min.
Diminuer le temps inutilement passé au lit sans dormir
Si le sommeil ne vient pas ou en cas de réveils nocturnes qui durent, se lever, s’occuper tranquillement et sans lumière vive (ou bleue) et se recoucher aux premiers signes de somnolence.
L’objectif est ici de ré-associer le lit au sommeil, et non à l’insomnie.
D’ailleurs, si vous ne dormez plus le matin, vous n’êtes pas obligé.e de rester au lit (ce qui augmentera la pression de sommeil la nuit suivante).
Se passer de somnifères
Il devient également nécessaire, si vous souhaitez réellement retrouver un sommeil qualitatif, de programmer un plan de sevrage de tous somnifères (y compris grand public) avec votre médecin, qui ne font que renforcer et aggraver votre défiance et incompétence vis-à-vis du sommeil.
Le but de toutes ces clés, prises ensemble, est de vous permettre de retrouver confiance dans votre propre capacité à détecter et contrôler les signaux du sommeil.
Les aides non médicamenteuses pour retrouver un bon sommeil
Un bon sommeil réparateur ne peut être qu’un sommeil autonome. Attention donc à ne pas rechercher la pilule miracle, qui n’existe pas, y compris parmi les produits naturels…
Certes, ils sont bien moins pourvus en effets secondaires, mais j’en vois quand même un grand : ils peuvent entretenir votre défiance vis-à-vis du sommeil et la croyance que vous ne pouvez pas dormir sans eux (même une tisane !).
L’objectif à atteindre est donc de retrouver une autonomie et de réapprendre l’hygiène de votre sommeil.
Ces aides non médicamenteuses restent intéressantes en relai des somnifères par exemple (avec l’accord de votre médecin et selon son plan de sevrage), mais le but reste de s’en passer !
Les huiles essentielles pour s’apaiser
En bain, en diffusion, en application ou en massage, les huiles essentielles peuvent vous permettre de vous relaxer et de vous détendre en fin de journée, ce qui facilite l’endormissement.
Les huiles essentielles ne se mélangent pas avec l’eau. Pour votre bain tiède et confortable de début de soirée, utilisez une base de savon liquide ou un dispersant dans lequel vous pouvez diluer 15 à 20 gouttes de lavande vraie.
En application cutanée locale, sur l’intérieur des poignets et sous la plante des pieds par exemple, 5 gouttes de mandarine à diluer dans une noisette d’huile végétale (jojoba, abricot, amande douce ou ce que vous avez sous la main).
En massage, le long de la colonne vertébrale le soir au coucher, n’hésitez pas à mélanger 10 gouttes de mandarine, 10 gouttes de ravintsara et 10 gouttes de lavande vraie dans une cuillère à café d’huile végétale.
Les plantes en relai
Certaines sont sédatives, d’autres anxiolytiques et/ou cardioprotectrices.
Toutes ont l’avantage de respecter l’architecture du sommeil et ne créent pas de dépendance physique. Mais la dépendance psychologique est tout à fait possible et fréquente !
La valériane (Valeriana officinalis L.)
Parmi les plantes médicinales, la valériane est utilisée depuis longtemps pour favoriser le sommeil et soulager l’anxiété. Elle fait également partie de celles qui ont été le plus étudiées.
Les effets de la valériane ont été attribués aux interactions de différents de ces composants (valépotriates, acide valérénique notamment) avec le système GABAergique. Le GABA est un neurotransmetteur clé favorisant le sommeil.
Dans l’ensemble, les résultats des études in vitro et in vivo suggèrent un léger effet sédatif et anxiolytique de la valériane, favorisant ainsi le sommeil et améliorant l’état nerveux.
L’escholtzia (Eschscholtzia californica Cham.) ou pivot de Californie
Les extraits des parties aériennes de l’eschscholtzia sont utilisés traditionnellement pour le soulagement des symptômes légers de stress cognitif et comme aide au sommeil.
Les propriétés sédatives et anxiolytiques des extraits d’eschscholtzia ont été démontrées dans plusieurs études précliniques.
En particulier, une prolongation du temps de sommeil et une réduction de l’activité locomotrice ont été observées chez des souris et des rats recevant diverses doses d’extraits.
Mais les données cliniques sur l’eschscholtzia sont très rares.
L’eschscholtzia agirait en se liant aux récepteurs des benzodiazépines.
La passiflore (Passiflora incarnata L.)
Des effets hypnotiques ont également été rapportés pour la passiflore, une plante médicinale originaire des zones tropicales d’Amérique.
Quelques rares études, portant sur des souris, semblent confirmer ces effets, sans effets secondaires négatifs.
Elle semble surtout intéressante en cas de troubles du sommeil liés à la nervosité et à l’anxiété, comme en période de stress professionnel intense.
Et toutes les autres…
De nombreuses autres plantes sont traditionnellement utilisées dans les troubles du sommeil : aubépine, mélisse, tilleul, lavande, marjolaine, camomille…
Même si les études bien menées et portant sur l’humain manquent pour venir confirmer et surtout expliquer les mécanismes sous-jacents.
Les compléments qui ont fait leur preuve
Le magnésium
Le magnésium, un minéral cofacteur impliqué dans plus de 300 systèmes enzymatiques, régule diverses réactions biochimiques dans l’organisme.
Récemment, on a également découvert que le magnésium participe à la régulation des horloges cellulaires périphériques (tissulaires) dans les cellules animales et végétales. Ce qui permet de maintenir les rythmes circadiens normaux et d’assurer un sommeil de qualité chez l’homme.
Une supplémentation en magnésium améliore :
- l’efficacité du sommeil,
- la durée du sommeil,
- la latence de l’endormissement,
- le réveil matinal
- et les mesures objectives de l’insomnie telles que la concentration de mélatonine et de cortisol sérique.
En outre, l‘anxiété peut provoquer l’insomnie, et vice versa, ce qui peut entraîner un cycle d’autoperpétuation, qui conduit à l’insomnie chronique.
Or, l’anxiété et l’inquiétude sont les principales causes d’insomnie… Et les études existantes suggèrent un effet bénéfique de la complémentation en Mg sur l’anxiété subjective, et pour la dépression légère à modérée chez les adultes dès 2 semaines de prise.
Il est aussi intéressant dans les cas de crampes nocturnes et du syndrome des jambes sans repos.
Bref, le magnésium est sans doute le complément à prendre en priorité en cas de troubles du sommeil, d’autant plus si ceux-ci sont associés à du stress et/ou de l’anxiété.
Il représente également une aide précieuse pendant la phase de sevrage des somnifères.
La mélatonine
Des effets cliniquement significatifs d’une complémentation en mélatonine ont été démontrés lors d’essais contrôlés par placebo chez l’homme, en particulier dans les troubles associés à une désynchronisation des rythmes, tels que
- les troubles du sommeil liés au rythme circadien,
- le décalage horaire ou le travail posté,
- ou encore les troubles du sommeil liés à une dépression saisonnière.
Préférez des formes à libération prolongée, sans dose excessive (< 3mg), à prendre au coucher. Le mieux étant de l’associer au magnésium.
Ces aides non médicamenteuses peuvent aider ponctuellement, et selon les besoins. Mais ils ne remplaceront jamais tout ce que vous pouvez mettre en place pour améliorer la gestion de votre stress et/ou de votre anxiété qui reste le facteur n°1 de l’insomnie…
Alors prenez le temps de comprendre votre sommeil, d’en examiner les causes et conséquences, et surtout de mettre en pratique les clés proposées ici qui pourront vous aider à retrouver un sommeil de mailleure qualité, et ce naturellement et sans accoutumance !
Attention, les huiles essentielles, les plantes et les compléments alimentaires présentent des précautions d’emploi et des contre-indications. On les trouve également sous différentes formes plus ou moins efficaces. Prenez conseils auprès d’un thérapeute averti avant de les utiliser.
Références :
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- Curtay J-P. Débarrassez-vous de vos insomnies ! Février 2016, Les dossiers de Santé & Nutrition, n°53.
- Guerrero FA & Medina GM. 2017. Effect of a medicinal plant (Passiflora incarnata L) on sleep. Sleep Sci. 10(3):96-100.
- Zisapel N. New perspectives on the role of melatonin in human sleep, circadian rhythms and their regulation. Br J Pharmacol. 2018 Aug;175(16):3190-3199.
- sommeil-mg.net
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